Tribune-Interdiction du voile lors des examens : quand Mory Sangaré pactise avec le diable ( Par Mamadou Samba Sow, journaliste.)
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Le ministre guinéen de l’éducation nationale, puisque c’est de lui qu’il s’agit ne sait plus quoi faire. Au lieu de s’atteler à organiser des examens propres, Mory Sangaré livre une guerre aux filles voilées. A ma connaissance, il devient ainsi le premier des ministres de l’éducation de l’histoire du pays à agir de la sorte.  

Alors qu’il disait sur radio Djigui Fm que sa décision ne concernait que la ‘’Burqua’’, le voile intégral, Mory et ses cadres appliquent le contraire sur le terrain. C’est-à-dire les candidates, même ayant un petit foulard sont stoppées devant les centres, débarrassées de leurs couvre-tête et parfois humiliées. A Conakry, il est arrivé dans un centre que les responsables confisquent des voiles et les attachent aux fenêtres. Plusieurs candidates ont eu des malaises à cause du traumatisme qu’on leur a fait subir.

Le ministre très sûr de lui, dit à qui veut l’entendre qu’on ne peut pas recevoir une candidate dont on ne connait pas l’identité. Je le rejoins dans ce sens, sauf que le combat qu’il mène touche les filles qui portent le voile simple qui ne couvre pas le visage.

Arguments infondés

Depuis que j’étais au lycée de Kipé dans  les années 2003 et même bien avant, les filles voilées sont régulièrement victimes d’intimidation de la part des responsables de certaines écoles publiques. Hier comme aujourd’hui, les anti-voiles, n’ont pas de réponse claire pour fonder leur acharnement contre ces pauvres filles dont le seul souci est de garder leur pudeur dans une société infectée de la base au sommet.

Le règlement intérieur des écoles

Les cadres qui opèrent dans nos écoles soutiennent parfois que voile ne rime pas avec le règlement intérieur des établissements qu’ils dirigent. Pourtant, dans toutes mes tentatives, personne ne m’a montré l’article qui interdit le voile. Ils vont jusqu’à évoquer ce qu’ils appellent ‘’la tenue normale’’. Certains responsables actuels du ministère de l’éducation nationale utilisent régulièrement ce mot.

Le paradoxe, ce que s’ils interdisent le voile à cause de cette histoire de tenue normale, ils encouragent les tenues courtes avec fentes. Lorsque vous regardez les élèves filles des écoles anglophones (Sierra-Léonaises) à Conakry, vous trouverez qu’elles s’habillent mieux que bon nombre de nos sœurs.

Règlement des examens nationaux

Toujours dans sa fuite en avant, Mory Sangaré et compagnie, font parfois recours au règlement des examens nationaux pour justifier leur acte. Ils ont sorti de leurs tiroirs un vieux document qui date de 1997 qu’ils ont surnommés règlement des examens. L’article 32 dit ceci : les candidats doivent être en tenue scolaire réglementaire et justifier de leur identité au moyen d’une carte d’identité en cours de validité qui est vérifiée par les surveillants avant le début de chaque épreuve. 

En âme et conscience, est-ce que ‘’tenue réglementaire’’ autorise le renvoi d’une porteuse de voile ? A ce niveau aussi, l’argument ne tient pas.

Et vient la laïcité

L’autre salade qu’on nous sert dans l’administration guinéenne pour vaincre les faibles d’esprits, dans un cas pareil, c’est la LAICITE. Ce mot revient toujours.

Vous voulez aménager un coin de prier dans une école ? On vous répond, « la Guinée est laïque ! L’école est laïque ! » Mon œil, qu’entendez-vous par laïcité ?

San doute que pour Monsieur Mory, laïcité veut dire : rejet de toutes formes de religions surtout islamique  dans notre mode de vie.

Sur wikipedia, on définit la laïcité comme étant le « principe de séparation dans l’État de la société civile et de la société religieuse » et « d’impartialité ou de neutralité de l’État à l’égard des confessions religieuses ». Cela ne veut en aucun cas dire qu’il faut bannir la religion.

La France n’est pas une école

Pour vous dire que nos cadres, Mory Sangaré en tête sont spécialistes en amalgame et sont des amateurs de copier-coller, ils prennent la France pour modèle. Erreur Messieurs. En matière de règles sur le voile, la nation française dit une chose et son contraire. C’est connue, la France est plus laïque que la Guinée, mais pour attaquer le voile, il a fallu inventer une loi de dernière minute en 2004 appelée loi sur les signes religieux dans les écoles publiques.

Paris qui a également adopté une loi qui interdit la dissimulation du visage dans l’espace public a été sévèrement épinglé par le comité des droits de l’homme des Nations unies  pour « viole » de la liberté de religion telle que définie par le pacte international relatif aux droits civils et politiques, dont la France est signataire comme 172 Etats.

L’examen scolaire est sacré

Bien qu’ayant interdit le port du voile à l’école, la France autorise pourtant le même voile lors du baccalauréat. Le site lemuslimpost.com révèle que la loi est claire à ce sujet : si le foulard est interdit pendant l’année scolaire dans les établissements, il est autorisé pendant le baccalauréat. Il ajoute que la circulaire du 18 mai 2004 précise que la seule obligation est de permettre « la vérification de l’identité des candidats ».

Comme on le voit donc, la France stigmatise les musulmanes à l’école, mais elle ne joue pas avec leur avenir comme le fait Mory Sangaré national.

Les garanties de la constitution guinéenne de 2010

L’article 7 dit ceci : chacun est libre de croire, de penser et de professer sa foi religieuse, ses opinions politiques et philosophiques.

Il est libre d’exprimer, de manifester et de diffuser ses idées et opinions par la parole, l’écrit et l’image.

Il est libre de s’instruire et de s’informer aux sources accessibles à tous.

 

A ce niveau aussi, Mory Sangaré et compagnie sont en porte à faux avec la loi. S’ils utilisent la laïcité pour justifier leur comportement, ils n’ont pas raison et s’ils s’appuient sur les règlements intérieurs des écoles ou des examens, ils ont aussi tort car ces petits textes ne peuvent pas s’imposer sur la constitution.

Voyons le cas du Sénégal

Notre voisin sénégalais fait preuve de tolérance à l’égard des religions et là on comprend bien le rôle de la laïcité contrairement à ce qui se passe en Guinée.

En ce moment, le pays de la Teranga est secoué par une décision qui irrite plus d’un sénégalais.  L’école catholique Sainte-Jeanne d’Arc de Dakar créée en 1939 a pris une décision le 1er mai dernier interdisant le voile islamique à partir de la rentrée prochaine prévue en septembre. Il n’en fallait pas !

Au micro de Jeune Afrique, les parents d’élèves ont dénoncé une « décision brutale et injuste » et envisagent une action en justice si l’école ne revenait pas sur sa décision.  

Par ailleurs, le nouveau ministre de l’Education  nationale Mamadou Talla, a vigoureusement réagi. Pour lui, la décision “n’est pas conforme à la Constitution, qui dispose en son article premier, que la République du Sénégal est laïque, démocratique et sociale. Elle respecte toutes les croyances“.

Fatimata Ba directrice de l’Enseignement moyen secondaire général a aussi déclaré à Jeune Afrique  que la loi sénégalaise garantit la liberté de culte, dont le port du voile découle automatiquement. Toute tentative de l’interdire relèverait donc de l’intolérance religieuse, et donc de l’illégalité.

Le cas burkinabè

Au Burkina Faso, le voile n’est pas diabolisé à l’école. Il y a une décision qui l’autorise «L’arrêté ministériel n°2014-106/MES/SG du 02 avril 2014 autorise le port du voile islamique dans les établissements d’enseignement secondaire».

Malgré tout, le Lycée privé laïc de l’Immaculée Conception (LPLIC) de Bobo-Dioulasso a pris une décision interdisant le voile. La Coordination des associations islamiques de l’Ouest a alors invité les autorités à obliger les responsables de l’établissement à abandonner ce projet. 

Voilà donc une leçon pour notre ministre Mory Sanagaré qui devrait chercher à qualifier l’école guinéenne plutôt que d’ouvrir un front contre des âmes paisibles.

Dans un contexte mondial marqué par des violences perpétrées au nom de la religion, il est important d’éviter à tout prix de donner raison à ceux qui font preuve de repli sur soi. Promouvoir la stigmatisation de certaines catégories de personnes ne peut pas aider à renforcer l’unité tant souhaitée dans notre pays. 

Actuellement l’école guinéenne est on le sait très malade. Moralement elle est atteinte par des pratiques peu honorables. On entend des élèves parler sans gêne des MST, notes sexuellement transmissibles. Des enseignants ou directeurs d’établissements n’hésitent pas à faire la cour à leurs élèves. Entre les élèves : filles et garçons, il se passe souvent des choses à l’école qu’on ne pourrait expliquer ici. 

Au lieu d’humaniser notre école, Mory Sangaré veut à tout prix la débarrasser de la petite pudeur qui lui restait. Bienvenue dans la débauche ! 

Mamadou Samba Sow, journaliste.