SEM Hideo Matsubara  Ambassadeur du Japon en Guinée : « Je vais œuvrer à attirer  plusieurs entreprises japonaises vers la Guinée »
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Dans cet entretien que Son Excellence Monsieur Hideo Matsubara  Ambassadeur du Japon en Guinée a bien voulu accorder à notre reporter, le diplomate nippon dresse un bilan de la TICAD 7 qui s’est tenue récemment à Yokohama, avec la participation remarquée de la Guinée à cette grande conférence internationale, tout en mettant l’accent sur l’aide consentie par Tokyo à Conakry depuis 2016, dans le cadre de la coopération bilatérale.  

L’indépendant : Bonjour Excellence Monsieur l'Ambassadeur, vous venez d'arriver en Guinée, il n'y a pas longtemps. Pouvez-vous nous donner vos impressions sur ce pays de l'Afrique de l'Ouest ?

Avant de venir en Guinée, j'ai travaillé en tant que ministre conseiller à l'Ambassade du Burkina Faso jusqu'à la fin de novembre 2018. Le Burkina est un pays continental, sans mer. Et la Guinée est un pays côtier comme le Japon. Je suis content de vivre ici puisque il y a des fruits de mer.

Les Guinéens sont impressionnants et actifs par rapport à d'autres pays. J'ai l'intention d'approfondir la collaboration (personnelle avec vous les Guinéens durant mon mandat. Mon travail c'est de promouvoir les relations bilatérales entre le Japon et la Guinée. J'ai déjà transmis cette parole au président Alpha Condé.

Monsieur l’Ambassadeur, quel bilan peut-on relever de vos actions, depuis votre prise de fonction ?

Hideo Matsubara : Nous avons pu procéder au renforcement des relations bilatérales avec la Guinée. A une convergence de vues sur différents sujets internationaux d’importance (réforme du conseil de sécurité des Nations Unies, situation en Corée du Nord) et renforcement de la coopération bilatérale, avec le concours d’agences japonaises telles que la JICA et la JICS. Il y a aussi la  préparation de la  signature du Projet du  pont sur le Soumba, l’appui au Secteur de la pêche, la remise en état du navire de recherche Général Lansana Conté et l’envoi des stagiaires étudiants.

A cela il faut ajouter 5 micro-projets dans le secteur de l’éducation et l’appui à travers le  système des Nations-Unies pour la mise en place de cantines scolaires et l’appui nutritionnel avec le PAM.

Pour finir je citerai l’appui fait dans le cadre de  l’autosuffisance alimentaire et l’aquaculture avec le PNUD et la préparation de la TICAD 7.

En termes de coopération bilatérale entre le Japon et la Guinée, quels sont les domaines privilégiés ?

Les domaines d’intervention ont été définis en commun entre la Guinée et le Japon sur les priorités de notre coopération. Il s’agit de la sécurité alimentaire (agriculture, lutte contre l’insécurité alimentaire, pêche et aquaculture), des infrastructures économiques de haute qualité (pont de kaka, pont sur la Soumba) et du renforcement des services sociaux (éducation, santé).

Lors de la TICAD 7, qui vient de se tenir à Yokohama, au Japon, d’autres sujets ont été discutés, comme l’appui au renforcement de capacité des jeunes, les investissements par les sociétés japonaises et le financement par le Japon

À combien se chiffre le volume des échanges entre votre pays et la Guinée ?

Depuis 2016, notre coopération a concerné près de 86 700 000 dollars de dons dans les trois domaines cités de la sécurité alimentaire, des infrastructures et des services sociaux de base

Ce chiffre ne comprend pas les échanges commerciaux entre nos deux pays, mais vous aurez remarqué le nombre de véhicules de marques japonaises bien connues qui circulent dans le pays, et qui montre bien la solidité de nos relations d’affaires.

De plus, lors de la TICAD 7, et pour la première fois, les entreprises ont été considérées en tant que partenaires officiels de la TICAD. Un dialogue commercial public-privé a été organisé et plus du double d’entreprises y ont participé par rapport à la TICAD 6. Les participants ont proposé des suggestions concrètes en vue d’élargir le commerce et l’investissement entre le Japon et l’Afrique, ce qui a réveillé une forte attente pour le Japon augmente les investissements directs et la formation des ressources humaines sur place.

Ainsi, lors des « Japon-Africa Business Forum & Expo » organisés par la JETRO, 110 mémorandums d’entente relatifs à la promotion des affaires entre le Japon et l’Afrique ont été annoncés.

On peut donc se rendre compte que les investissements sont au cœur des nouvelles priorités de la coopération japonaise, et nous attendons une implication de plus en plus forte des sociétés japonaises en Guinée, que ce soit directement ou par l’investissement dans des sociétés opérant en Guinée.

Quelles sont les retombées de la TICAD dans le cadre de la coopération entre le Japon et l’Afrique ?

Il faut savoir que la TICAD est avant tout un forum, une plateforme de rencontres. C’est là que sont définis au plus haut niveau les stratégies et les axes d’intervention entre le pays africains et le Japon 

Cette année, les co-organisateurs (le Japon, la commission de l’Union Africaine, la Banque Mondiale, les Nations-Unies et le PNUD) ont mis l’accent sur le partenariat entre le secteur public et le secteur privé afin de développer fortement les investissements, en vue d’accélérer la croissance en Afrique. Ce choix appuie et complète d’autres initiatives, comme l’Agenda 2063 de l’Union Africaine, les Objectifs de Développement Durable, mais aussi les recommandations du G7 et du G20.

Concernant la coopération publique, les discussions sont en cours pour un certain nombre de nouveaux projets dans les domaines que j’ai indiqué plus tôt.

Il y a actuellement 536 (au lieu de 573 ) entreprises japonaises qui sont installées en Afrique. En 2016, il n’y avait qu’environ 300 sociétés japonaises en Afrique. C’est beaucoup plus vers l’Égypte,  le Maroc, le Kenya, l’Afrique du Sud et le Nigeria. Mais ici, il n’y a qu’une. C’est la société CFAO qui vend les véhicules de marque Toyota.

Lors de la TICAD 7, la délégation guinéenne a eu l’occasion de rencontrer aussi les agences de coopération japonaise comme la JICA et JICS, mais aussi des entreprises et des agences de promotions des investissements futurs d’entreprises japonaises, en fonction des opportunités du marché guinéen.

Monsieur Alpha Condé est allé au Japon avec une très importante délégation composée de six(6) ministres : Papa Koly Kourouma, ministre de l’hydraulique et de l’assainissement, Frédéric Loua, ministre des pêches, Gabriel Curtus , chargé des investissements, Moustapha Mamy Diaby, ministre des postes, des télécommunications et de l’économie numérique, Madame Djéné Keïta, ministre de la coopération, et Abdoulaye Yéro Baldé, ministre de l’enseignement supérieur.

Dans cette conférence, il y avait 42 chefs d’État sur 54 pays d’Afrique, 52 pays partenaires de développement, 108 organisations nationales et régionales, plus les membres du secteur privé. Au total 10 mille personnes se sont réunies à Yokohama.

Après trois jours de discussions, nous avons établi un plan d’action de Yokohama (action pour la mise en œuvre de la déclaration de Yokohama).

 

Qu’est-ce que la Guinée a gagné particulièrement lors de ce sommet en termes de perspectives (investissements) ?

Lors de la TICAD 7, le président de la République et sa délégation ont rencontré le Premier ministre du Japon, le Ministre des Affaires Étrangères, ainsi que le Groupe parlementaire d’amitié Japon-Union Africaine. La réunion au sommet entre le Premier ministre Abe et le président Condé a d’ailleurs donné lieu à des échanges sur les attentes en matière de coopération de la Guinée, et la réaffirmation par le Japon de son implication pour accompagner le PNDES. Ces rencontres ont permis de confirmer au plus haut niveau les axes stratégiques qui déboucheront ensuite des projets concrets, en cours de réflexion.

La délégation guinéenne a également rencontré des représentants d’agences de coopération comme la JICA, de commerce extérieur comme le JETRO, et d’entreprises comme NTC International, Dainihon et Keidanren, l’organisation du patronat japonais. Ces rencontres ont permis d’échanger sur les possibilités d’accélérer les investissements en Guinée. Ensuite, les décisions d’investissement appartiennent aux entreprises, que ce soit en direct ou par anticipation dans d’autres sociétés.

Est-ce qu’au niveau du secteur privé japonais on sent de l’intérêt pour la Guinée ?

Oui bien sûr. Parce que plusieurs sociétés japonaises se sont réunies à la conférence. Le président Alpha Condé a rencontré le responsable de la JICA, ensuite JETRO. La rencontre du président Condé et la Fédération japonaise des organisations économiques a aussi eu un impact sur les sociétés japonaises.

Est-ce que vous, en tant que Ambassadeur, vous êtes en Guinée depuis le mois de mars, vous trouvez que le climat des investissements étrangers est favorable, parce que si les investisseurs japonais doivent venir, il faut qu’ils soient quand même  rassurés ?

En principe, pour qu’une société japonaise fasse un investissement, il faut que le pays soit stabilisé. Et puis les partenaires africains se sont multipliés. Si vous prenez la Chine, les États-Unis, l’Union Européenne. En tenant compte de ça, les sociétés japonaises doivent tenter de faire le commerce et l’investissement.

Autre cas, c’est que votre pays est francophone. Il y a très peu de Japonais qui parlent français. Après la TICAD 7, on a contacté le président de la Chambre régionale de commerce de Conakry, parce qu’il a travaillé au Japon pendant 10 ans. Il connaît bien la mentalité japonaise et aussi la société japonaise.

Notre Premier ministre s’est engagé à investir 20 milliards de dollars en Afrique pendant trois ans. En tant que Ambassadeur en Guinée, je vais œuvrer à attirer  plusieurs entreprises japonaises vers la Guinée.

Interview réalisée par Mamadou Dian Baldé