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Sandro Rosell
FC Barcelona President

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Monsieur le Président, je suis encore du nombre de ceux qui ont un grand respect pour vous, non pas parce que vous êtes Président de le République, mais à cause de vos combats d’hier en faveur de la démocratie, même si, aujourd’hui, il ressort que vous portiez le manteau de « militant de la démocratie » alors qu’au fond, vous n’y croyiez pas et luttiez pour accaparer le pouvoir.  Le temps ne trahit jamais, il révèle ce que les hommes ont de sincères en leurs actions, il permet de les prendre en défaut dans leurs dires. Il évente les secrets. 

Vous êtes devenu Président de la Guinée à un âge tardif, celui de la supposée « maturité ». Quelle grâce ! Vous avez promis d’être le Mandela de la Guinée. Comme vous, il accéda au pouvoir à un âge tardif. Vous avez vécu de ce qu’il a vécu : la prison.  Vous avez promis la réconciliation et le progrès aux Guinéens. Il vous a fallu assez d’années pour mettre en place la Commission Provisoire de Réconciliation Nationale, CPRN. Ses recommandations n’ont jamais été suivies et vous ne les avez jamais implémentées. Les années sont passées et la réconciliation nationale est impossible avec vous. Vos propos ont frustré et frustrent encore, vos pratiques ont exclu et votre mode de gouvernance est en faveur de la promotion de la médiocrité, de la distribution des postes aux copains et copines, coquins et coquines.   

Monsieur le Président, vous avez promis de lutter contre la corruption. En 2011, vous avez créé un Comité d’Audit et l’avez rattaché à la Présidence de la République pour qu’il  fût indépendant  et qu’il eût le courage de mener à bien sa mission. Mission confuse, dès lors que pour vous : lutter contre la corruption veut dire audit contre les anciens ministres !  A-t-il produit le seul rapport ? Vous seul, pouvez répondre à cette question. 

En 2012,  vous avez créé l’Agence Nationale de Lutte Contre la Corruption (ANLC), quelques années après vous avez créé un département de Comptabilité Matière et Matérielle au Ministre du Budget. Plus tard, vous avez installé la Cour des Comptes et créé la Cellule Nationale de Traitement des Informations Financières (CENTIF), puis avez promulgué la loi anti-corruption.  Avec toutes ces institutions aux pouvoirs conflictuels et discrétionnaires, toutes ces réformes, quel est votre résultat en matière de lutte contre la corruption ? Indigne est la réponse. 

Monsieur le Président, vos ministres deviennent de plus en plus riches, ils achètent des parcelles à coups de milliards, ils y construisent  dans de courts délais des maisons altières, ils investissent à travers des collatéraux dans les entreprises privées afin d’accéder aux appels d’offre de l’Etat et de  se procurer de

plus de rentes. Les recrutements à la fonction publique sont rares, mais à chaque fois vos militants y sont recrutés et accèdent à de grandes fonctions sans forcément en avoir les compétences ni techniques, ni humaines, ni conceptuelles. Ainsi, vous envoyez le message suivant aux autres Guinéens : «  Pour aspirer à quoi que ce soit, vous devez être de mon côté, du côté du manche, avec moi et mon parti. » Vous aviez combattu le parti-Etat et vous vous efforcez à bâtir un autre. Quel contraste entre vos combats d’hier et vos pratiques de l’heure !  Vous disiez avoir hérité d’un pays et non d’un Etat, seulement l’Etat de Guinée prend tellement de coups qu’il mourrait d’apoplexie. 

Vous avez promis  vouloir être le Président de tous les Guinéens.  Le monde vous y attendait là. Vous n’avez pas le courage de porter les combats salutaires. N’ayant pas osé la réconciliation nationale , vous aggravez  les frustrations et les ressentiments. N’ayant pas eu le courage d’entretenir la mémoire collective à travers une politique nationale de deuil et de «juste » mémoire, vous  l’assenez de coups et la falsifiez. Les Guinéens n’ont jamais été accablés de douleur comme ils le sont sous vos mandatures. Au lieu de supprimer les maux, de les abréger, vous en rajouter. Vous reportez aux prochaines générations la résolution de nos problèmes. Le mal est que vous compromettez l’avenir. Je vous le dirai pourquoi. 

Monsieur le Président, la vie humaine est banalisée  sous vos mandatures. Le sacré n’a plus de sens. La promesse non plus. Pourtant, l’homme se reconnait à sa parole. Quand on se dédit,  retire sa parole, on perd sa dignité et devient quelque chose de méprisable. Monsieur le Président, vos concitoyens meurent, quel que soit le mal qu’ils aient commis, ils méritent qu’on leur rendent justice.  Vous avouez être incapable de dire qui en sont les commanditaires des meurtres contre ceux qui s’opposent à vos pratiques, ceux qui réclament le respect de la constitution, ceux qui occupent les rues pour dire ce qu’ils vivent et veulent. Mais qui peut-on tenir pour responsable de ces meurtres, si ce n’est votre gouvernance et pour dire juste, vous ?  Qu’avez-vous fait pour rendre justice, pour que le droit soit dit, pour que la vérité soit connue, pour que les assassins soient mis aux arrêts et que la sanction convenable s’impose à eux ? Mais que peut-on, en toute sincérité, attendre d’un homme qui ne reconnaît pas l’étendue de ses responsabilités et la noblesse de son statut ? Nous vivons une grande impunité et c’est bien vous qui l’entretenez. Nous vivons un affaissement de l’Etat et c’est vous qui démolissez ses institutions et démantelez ses symboles.  Vous avez toujours préféré les compromis mous , abscons et velléitaires à la loi. Pour vous, ces compromis permettaient la paix là où lois dans leurs observations conduiraient à autre chose que la stabilité. Quel sens de l’Etat ! Vous avez affaibli l’Etat, son autorité et bientôt vous l’abattrez et tombera raide mort. 

Monsieur le Président, vous semblez prendre un énorme plaisir à pointer du doigt les anciens ministres  comme les responsables de notre malheur national et de notre mal-être collectif. Seulement, quand ils sont de vos rangs, se jettent à vos  pieds, ils sont quittes, sont débonnaires. S’ils vous ravissent votre fauteuil, alors ils sont responsables de tout. Un ministre, qui que ce soit, doit-il s’attribuer les succès de vos mandatures ?  Si non,  on ne saurait lui attribuer aussi vos piètres résultats. Il en va de même pour vos antécesseurs. Êtes-vous devenu un expiateur de péchés ?  

Monsieur le Président, vous aimez vous enorgueillir de « vos exploits économiques » et votre Premier ministre dit que vous êtes le champion de l’émergence économique.  Les réalités, celles du quotidien des Guinéens, contredisent vos prétendus exploits. Vos résultats économiques sont contrastés et ne doivent donner à aucune autosatisfaction à moins que vous n’ayez aucun égard pour vos concitoyens.  Où est la croissance à deux chiffres ? Elle est encore unijambiste. Où sont ses emplois tant attendus ? Où sont les fruits de la croissance et à qui profitent-ils ? De combien de points de pourcentage la pauvreté a-t-elle reculé en Guinée ?  Les inégalités s’aggravent entre les villes. Votre croissance a plus d’externalités négatives que positives : les villages sont déplacés dans les zones minières, les faunes et flores y sont attaquées, les terres cultivables accaparées ? Qui profitent de toute cette manne ? 

La société guinéenne est de plus en plus pauvre. La pauvreté est passée de 47 % en 2007 à 60 %  après Ebola. Notre société est de plus en plus inégalitaire. Elle ne vit même plus l’espoir de l’égalité des chances dès lors que la carte de membre de votre parti, l’appartenance à un clan,  déterminent les chances devant le travail. Le mérite ? Il ne vaut rien. Où étudient les enfants de vos ministres ? Ailleurs , loin du pays ou dans les écoles privées étrangères du pays. Pourquoi cela ? Parce qu’ils n’ont pas foi en votre Ecole de la République  qui ne forme que des chômeurs et des candidats à l’immigration clandestine. L’école est en panne, comme votre République d’ailleurs. Vous lui administrez un remède inapproprié. Nous vivons dans un pays de reproduction sociale et héréditaire : une minorité à la main accaparante envoie ses enfants étudier à l’étranger afin qu’ils reviennent jouir du pays tandis que ceux de l’écrasante majorité accèdent à la piètre formation.  C’est aussi cela votre idée de la justice sociale. 

Monsieur le Président, il faut plus 16 millions pour accéder à un Master dans une université publique de votre pays . L’écrasante majorité croupit sous le seuil de la pauvreté . Pour accéder au doctorat, il faut  plus de 40 millions. N’est-ce pas que vous préférez l’aristocratie de la fortune à celle du mérite ? Mérite : étrange mot, que vaut-il sous le règne du Professeur Condé ? Est-ce bien cela être socialiste : être incapable de bâtir un système de santé accessible à tous, un système éducatif qui forme aux exigences de la mondialisation et qui inculque des valeurs ?  Etre capable de rendre la capitale propre et d’éviter à ses résidents la vie dans un environnement putride ? Vous avez sans nul doute abjuré le socialisme et êtes devenu un pragmatiste je ne sais de quoi. Vous souffrez d’un grand mal qui vous empêchera à jamais d’avoir des performances élogieuses : vous n’avez pas le sens de l’urgence et de la priorité. Vous vous essayez à tout et êtes surpris de constater que rien ne vous réussi. Vous appelez les investisseurs étrangers à investir chez vous alors que vos actifs diplômés sont sous-formés, alors que vous œuvrez  à l’instabilité politique et nourrissez l’incertitude. 

Monsieur vous vous êtes exprimé à travers vos courtisans pour appeler à une nouvelle République dont les  substrats sont creux et inconsistants. Vous êtes tellement insatisfait de vous-même, de votre gestion du pays, que vous avez vite fait des boucs émissaires: la troisième République  dont les institutions seraient incompatibles au progrès, l’opposition qui vous aurait empêché de travailler, Ebola qui se serait abattu telle une malédiction sur votre pays pour entraver sa marche vers le progrès. Vous voulez à présent évacuer la troisième République et signer son arrêt de mort. Alors vous avez entretenu de façon opaque la rédaction d’une nouvelle constitution sans recueillir aucun assentiment  et les aspirations du peuple. Cette constitution que vous proposez est la norme de la régression : elle est mal écrite et aussi incongrue. Elle n’apporte pas grand-chose à ce qui est, elle n’est révolutionnaire en rien, comme annoncée. Qu’est-ce qu’elle propose qui serait impossible par la révision de la norme actuelle ? Vous y exprimez de façon non voilée votre intention : vous donnez une autre chance de vous rattraper. Seulement la Guinée est à la recherche du temps perdu et ne veut plus de fourvoiement. Vous demandez un passe-droit et il ne vous sied pas. Il vous déshonore, vous faites  du mal au pays.  

Monsieur le Président , vous avez dans cette démarche de réforme constitutionnelle «  déconsolidante » usé de  tous les moyens de manipulation : vous avez recouru aux mimétismes informationnel , autoréfentiel , vous avez fait manipuler la portée de l’article 51 de la présente constitution .  Si la Cour Constitutionnelle dans un avis , caution à réserve, dit que l’article 51 sur lequel vous avez fondé votre discours pour appeler le peuple à s’imprégner de la constitution que vous voulez lui proposer  ne permet d’aucune façon à un Président de proposer une nouvelle constitution , il s’en suit que la proposition faite doit prétendre répondre à un problème ou série de problèmes non résolus par la norme actuelle. Or, votre projet ne propose aucun contrat social avec le peuple, il ne prétend résoudre  aucun problème insoluble par la présente norme. Vous devenez quelqu’un qui impose sa volonté au peuple et non celui qui se soumet à la volonté du peuple. Vous vous moquez de la notion même de souveraineté populaire . 

Monsieur le Président, vous contribuez à la création d’un antécédent constitutionnel malheureux ; ainsi tous ceux qui voudront   tricher à la loi suprême, auront des excuses : « Monsieur Condé l’a fait et je peux le faire. » Cela sonne comme une déchéance pour quelqu’un qui s’est, dit-il, battu pour la démocratie. Votre projet sape les fondements de la paix dès lors qu’il trahit l’esprit de la constitution qui consacre l’alternance qui permet dans certaines conditions d’asseoir les bases de la paix : matière première pour tout développement. 

 Monsieur le Président, chaque fois qu’on donne dans l’infantilisation du débat politique, on perd. Chaque fois qu’on donne dans la diabolisation ou la simplification, on perd. N’étant jamais bien entouré, vous n’évitez pas les montées arides, les pentes glissantes et les précipices béats. Vous faites emprunter à notre pays le chemin d’un lendemain incertain  ne voulant pas vous arrêtez aux haltes qui vous sont indiquées. Voulez-vous enjambez ruines et catastrophes ?  

Monsieur le Président, vous serez une injustice en marche  si vous ne renoncez pas, non à l’idée d’un autre mandat –politiquement et moralement suicidaires- , mais à l’idée même de réussir un référendum pour établir une nouvelle constitution. La présente à des insuffisances et vous avez le droit de la réviser et à tout moment, pour peu cela s’inscrive dans les procédures et limites instituées par la norme en vigueur.   Vous ferez un mal contre vous-même, si jamais vous œuvrez à retarder la montre électorale par des manouvres à empêcher la tenue de la présidentielle en 2020 et sans vous. 

Monsieur  le Président, si vous essayez, comme il vous plaît à vous l’adversité,  d’imposer vos vœux au peuple, vous ferez un grand mal au pays, vous serez celui par qui la nuit tombera. Je ne vous lance pas de bravades, je ne vous mets pas en garde. Monsieur le Président, je  vous écris pour vous exhorter à la prise de décision à la hauteur de votre rang. Vous conduisez notre pays dans l’abîme, vous marchez, la Guinée avec, au bord d’une falaise escarpée. Vous seriez dans sous peu  celui par qui le malheur arrivera. Si vous remportez le bras de fer et triomphez de ceux qui vous lancent des bravades, il n’en sera pas moins que vous ne pourrez plus diriger le pays. Au début, vous aurez une illusion de victoire et le sentiment d’avoir réussi un grand pari. Quelques moments après, le mal et les actions de sabotages commenceront pour donner lieu à une terreur inouïe et sans précédent. Ce sera alors une instabilité généralisée, des années perdues.  Vous seul aurez la responsabilité du chaos qui adviendra. Ainsi, l’histoire vous jugera par la gravité de votre trahison. Si vous ne voulez pas que votre postérité soit dédaigneuse, que votre nom soit un repoussoir, renoncez à ce qu’Alpha Condé, Président, traine dans la fange, Alpha Condé, opposant. Quel acquis démocratique peut-on laisser au peuple et qui surpasse la paix ? 

Ibrahima Sanoh

Citoyen guinéen, Ecrivain –Auteur.