Souapiti, le barrage de la désolation : des milliers de déplacés abandonnés
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Sous un soleil accablant, les berges du fleuve Konkouré révèlent un paysage contrasté : d'un côté, la puissance du barrage hydroélectrique de Souapiti, promesse d'une énergie abondante pour la Guinée, de l'autre, des villages engloutis et des familles brisées. Loin des discours officiels, la réalité des populations déplacées par ce projet titanesque est marquée par la misère, l'abandon et l'injustice.

Des milliers de vies bouleversées

Décembre 2015. Le président Alpha Condé inaugure avec faste le barrage de Souapiti, présenté comme un tournant historique pour l'électrification du pays. Avec une capacité installée de 550 MW, l'ouvrage promettait une amélioration significative de l'approvisionnement en électricité. Mais cette avancée a un coût humain terrible.

Diallo Alsény, secrétaire administratif de l'Union des Impactés de Souapiti (UIP), ne décolère pas. « Le barrage Souapiti représentait l’espoir de tout un peuple, mais cet espoir est devenu une désillusion. Quatre préfectures ont été impactées, dont Dubréka, Télimélé, Pita et Kindia, ainsi que plusieurs sous-préfectures. Des milliers de personnes ont été déplacées sans solutions réelles », déplore-t-il.

Des indemnisations opaques et insuffisantes

Officiellement, les familles déplacées devaient bénéficier d'indemnisations et de réinstallations décentes. Mais sur le terrain, la réalité est bien différente. « Les indemnisations ont été faites à la hâte, sans respecter la réalité des ménages. Aucune transparence dans l'évaluation des biens, et les terres n'ont jamais été compensées », explique Diallo.

Les 19 sites de réinstallation prévus sont restés à l'abandon. Aucune infrastructure digne de ce nom, aucune activité génératrice de revenus. « Les gens ont été laissés sous le soleil, sans terre, sans travail, sans avenir », poursuit-il.

Des villages rayés de la carte

À Dombele, dans la sous-préfecture de Bangouya, la détresse est palpable. « 19 familles ont été expulsées et dorment toujours à la belle étoile. Six mois de location avaient été promis, mais depuis, plus rien. Nous sommes des laissés-pour-compte », témoigne un habitant.

Plus largement, l'environnement autour du barrage subit des phénomènes alarmants. « Nos ancêtres n’ont jamais connu de tremblements de terre. Aujourd’hui, les maisons se fissurent, les objets tombent tout seuls, et même des femmes enceintes subissent des avortements spontanés. C'est la conséquence directe de la mise en eau du barrage », assure Diallo Alsény.

Une manipulation politique et un espoir brisé

Au-delà des souffrances humaines et environnementales, le barrage de Souapiti a été un outil politique, notamment lors de la réélection d’Alpha Condé en 2015. Pour Diallo, « le projet Souapiti est la plus grande arnaque du gouvernement d’Alpha Condé. Ils ont précipité la mise en eau, sans se soucier des populations. Aujourd’hui, ce sont eux qui créent des problèmes au gouvernement actuel ».

Sept ans après, l’attente se prolonge, et les promesses restent sans suite. « Nous ne pouvons pas continuer à nous taire. Il est temps que le gouvernement, en particulier le Premier ministre et le président Mamadi Doumbouya, prennent ce dossier à bras-le-corps. Nous souffrons, nous avons faim, nous manquons d’eau potable. 20 000 personnes sont directement impactées, et des villages entiers ont disparu sous les eaux. Les gens doivent se déplacer en pirogue pour survivre », alerte Diallo.

En attendant une réponse des autorités, les populations de Souapiti continuent de lutter dans l’ombre, portées par l’espoir que justice leur soit enfin rendue.

Saliou Keita