Conakry, 27 mai 2025- Mardi soir, les Guinéens ont retenu leur souffle, rivés aux écrans de la RTG. Une déclaration officielle du ministre de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation, Ibrahima Kalil Condé, venait de tomber : la campagne nationale d’enrôlement biométrique est prolongée jusqu’au 20 juin 2025 à 18h00. Un répit inespéré pour des milliers de citoyens encore en attente de s’enregistrer dans le cadre du Programme national de recensement administratif à vocation d’état civil (PNRAVEC).
Dans les quartiers de Conakry comme dans les zones rurales les plus reculées, la nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre. « C’est un soulagement », confie Mariama, 32 ans, rencontrée à la sortie d’un centre d’enrôlement à Dixinn. « J’ai failli rater la date limite, mais maintenant j’ai une chance de régulariser ma situation. »
Une opération à enjeux multiples
Lancée le 15 avril dernier, cette vaste opération vise à établir une base de données fiable de l’état civil en Guinée. Une entreprise de taille dans un pays où les documents d’identité restent souvent synonymes de tracasseries administratives.
« Cette prorogation répond à une volonté d’inclusion », a insisté le ministre dans sa déclaration. « Elle permet à tous les citoyens résidant en Guinée ou à l’étranger, remplissant les conditions requises, de se faire enrôler. » Une mesure saluée par de nombreuses organisations de la société civile, qui craignaient que le calendrier initial ne laisse de côté des franges entières de la population, notamment en zones enclavées.
La diaspora aussi concernée
La mobilisation ne s’arrête pas aux frontières du pays. À compter du 1er juin 2025, les Guinéens de l’étranger auront eux aussi 20 jours pour se faire enregistrer dans les ambassades et consulats de la République de Guinée. L’opération s’y clôturera également le 20 juin.
À Paris, Aboubacar, un étudiant guinéen, attend avec impatience l’ouverture du guichet biométrique à l’ambassade. « C’est la première fois qu’on nous donne vraiment l’opportunité de participer à ce type de processus depuis l’étranger », se réjouit-il.
Un socle pour des élections plus transparentes ?
Pour les autorités, l’enjeu dépasse la simple régularisation administrative. Le PNRAVEC est présenté comme un pilier fondamental dans la modernisation de l’état civil guinéen, mais aussi comme un levier pour la fiabilisation du fichier électoral. En coulisse, nombreux sont ceux qui y voient un test grandeur nature avant les échéances électorales à venir.
Les citoyens, eux, sont appelés à jouer leur rôle. Les autorités multiplient les canaux d’information : numéro vert 105 accessible 24h/24, relais communautaires via les chefs de quartier ou présidents de district, et désormais une campagne d’information accrue sur les réseaux sociaux.
À Kaloum, comme à Labé, Nzérékoré ou Kankan, les files d’attente s’allongent devant les centres d’enrôlement. Car au-delà des discours officiels, le temps presse. Et pour de nombreux Guinéens, ce nouveau délai est peut-être la dernière chance de faire entendre leur voix – administrativement et, peut-être bientôt, politiquement.
Amadou Diallo