Nous sommes en 2019, dans la préfecture de Lelouma. Ici, aussi sorcier que cela puisse paraître, les résultats du baccalauréat sont déjà connus avant même les épreuves des examens. Incroyable mais vrai ! La préfecture ne présentera aucun candidat au baccalauréat de cette année. Un triste autre record après celui qui classe la même préfecture première ville guinéenne pourvoyeuse d’immigrés vers l’Europe et ailleurs. Cette publicité-là, on aurait pu s’en passer. D’autant qu’elle vient s’ajouter à d’autres réalités qui, elles non plus, n’honorent pas le développement de la localité.
Les ressortissants de Lelouma viennent à peine ‘’curieusement’’ d’apprendre la nouvelle à travers les médias et les réseaux sociaux. Aucun candidat, toutes options confondues, par manque d’enseignement, dit-on. Les ressortissants originaires de cette ville d’un peu plus de 150 000 âmes en sont à la fois indignés et choqués.
Mais au-delà des condamnations simplistes et éphémères qui inondent les réseaux sociaux, il faut avoir le courage de situer les raisons de cet échec et admettre que les responsables sont diverses et partagées. Il faut le dire tout net, il y a des responsables qui ont failli à leurs missions. En premier, le député uninominal, le ‘’Jeune maire’’ de la commune urbaine, les associations des parents d’élèves, les autorités préfectorales de l’éducation et le syndicat. A tout ce beau monde, on peut bien ajouter la société civile de la préfecture, les associations des ressortissants, les leaders d’opinions et activistes originaires de Lelouma. Tous, autant qu’ils sont, ont failli. Ils doivent répondre et présenter leurs excuses.
Autrement, comment se fait-il que c’est seulement à quelques semaines du baccalauréat qu’on apprenne que Lelouma n’a pas d’enseignants, alors que la rentrée scolaire a eu lieu en septembre 2018 ? Bien sûr, on ne peut pas dédouaner l’État dans son rôle régalien d’assurer le service public et garantir l’accès à l’éducation de qualité pour tous sur chaque parcelle du territoire national, mais quelque part, nous ressortissants de Lelouma, avons aussi manqué de réaction, d’anticipation, d’alerte et de responsabilité.
L’échec de l’Etat est déjà connu et visible. On manque de tout. Au point que même une photocopieuse est un luxe pour les résidents. A notre époque, c’est une humiliation pour toute une génération qui a accepté que cela arrive en son temps. Qu’allons-nous dire à nos frères et sœurs victimes de notre inaction ? Pourtant, nous sommes prompts à mobiliser les ressortissants pour des propagandes politiques. Réunir des fonds pour des activités moins utiles pour la communauté locale. Organiser par-ci et célébrer par-là, c’est notre marque de fabrique. Mais nous ne consentons pas autant d’efforts pour réunir, informer et sensibiliser les ressortissants autour de l’essentiel, l’EDUCATION. On est opposant opposé à tout, même à nous-mêmes. Où est donc notre responsabilité, notre implication, notre amour pour cette préfecture ? Peut-on manquer de sens d’initiative jusqu’à ce point ? Bon Dieu !
Bien entendu, on peut comprendre la pénurie d’infrastructures et même le manque d’enseignants qui ne datent pas de cette année. A la dimension de nos secteurs, villages, districts et sous-préfectures, ces problèmes peuvent être à la limite acceptables, pour qui connait ce pays. Mais que toute une préfecture en soit affectée à ce point-là, c’est la totale. C’est le comble de l’inaction des Ressortissants.
Et pourtant, Lelouma c’est aussi la préfecture dont sont originaires plusieurs opérateurs économiques, de cadres et fonctionnaires au niveau national et à l’étranger. Lelouma, c’est encore la préfecture des anciens ministres de la République, Feu Amadou Allain Lelouma Diallo et de Bailo Teliwel Diallo qui ont eu à gérer l’éducation nationale et l’enseignement supérieur. Avec tous ses ressortissants dans leur diversité professionnelle, la préfecture mérite mieux que ce qui lui est servie jusqu’ici. C’est pourquoi, il est impératif d’initier les grandes assises des ressortissants pour tirer les leçons de nos échecs à tous les niveaux et à tous. Notre RESPONSABILITÉ D’ABORD. Je ne critique personne, je constate, je m’alarme et ça m’indigne. Arrêtons un peu et agissons vite et bien. L’heure est grave !
Ibrahima Diallo
Ressortissant de Herico-Lelouma
Ancien Président de l’AJEPH-HERICO