Lundi 2 décembre 2024 restera gravé dans les annales judiciaires guinéennes. La Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF) a condamné l’ex-président de l’Assemblée nationale, Amadou Damaro Camara, à quatre ans de prison pour détournement de fonds publics. Une décision saluée par le procureur spécial Aly Touré comme un « signal fort » dans la lutte contre l’impunité.
Dans cette affaire retentissante, Damaro Camara et cinq autres prévenus étaient accusés d’avoir détourné 15 milliards de francs guinéens. Si la peine prononcée reste en deçà des cinq ans requis par le ministère public, elle n’en demeure pas moins symbolique, reflétant une volonté de l’État de ne plus tolérer la corruption au sommet.
Une justice qui s’affirme ?
« Tout agent public qui manipule les biens de l’État doit répondre de ses actes », a martelé le procureur Touré, visiblement satisfait du verdict. Ce dernier espère que cette condamnation dissuadera les pratiques qui gangrènent depuis longtemps les finances publiques guinéennes.
Pour autant, la sentence interroge : est-elle réellement exemplaire, ou s’agit-il d’une simple démonstration de force ? Le choix de ne pas infliger la peine maximale pourrait laisser certains sceptiques face à l’ambition affichée de la CRIEF.
Acquittements et contrastes
Dans ce même procès, une autre figure politique, Zenab Camara, a été acquittée. Selon le parquet, les charges retenues contre elle n’étaient pas suffisamment fondées. Si cette décision s’inscrit dans le respect des principes de justice, elle pourrait toutefois alimenter les débats sur la sévérité et la cohérence des jugements dans des affaires aussi sensibles.
Un tournant ou un simple épisode ?
La Guinée, marquée par des décennies de mauvaise gestion et de prédation économique, est-elle enfin prête à tourner la page ? Ce procès s'inscrit dans un contexte où les attentes de la population sont immenses. Le pays ne peut plus se permettre que ses ressources soient dilapidées, alors même que les besoins sociaux restent criants.
Si ce verdict marque une avancée, il reste à voir si cette dynamique sera maintenue. Les institutions judiciaires doivent prouver qu’elles ne s’attaquent pas uniquement à des figures emblématiques pour apaiser l’opinion publique, mais qu’elles sont prêtes à s’engager dans une lutte systématique contre la corruption.
Un jugement, si ferme soit-il, ne saurait à lui seul effacer des années d’impunité. L’avenir dira si la CRIEF s’imposera comme un rempart durable contre les dérives ou si cette condamnation restera une goutte d’eau dans l’océan tumultueux de la gouvernance guinéenne.
Aziz Camara