Le Ghana est un pays mûr qui conjugue avec sérieux démocratie et développement, loin de l'infantilisme politique dans lequel végètent encore certains de nos pays (tous francophones, curieusement !) et où à l'exception du Bénin et du Sénégal, la vie politique s'écoule au rythme des coups d'État, des dynasties présidentielles et de la cacophonie du troisième mandat. Normal, c'est le premier pays décolonisé d'Afrique et c'est la patrie de Kwame Nkrumah et de Jerry Rawlings, les deux figures les plus emblématiques de l'Afrique contemporaine après Mandela et Lumumba.
La dernière élection présidentielle tenue dans ce pays, le 8 décembre dernier, n'a pas fait la une des journaux, et pour cause, on ne parle pas des trains qui arrivent à l'heure. Tout s'y est déroulé à bas bruit, la campagne électorale comme le scrutin, le dépouillement comme la proclamation des résultats. Aucun éclat de voix, aucune manifestation de rue, aucun recours devant les juridictions en vigueur ! De quoi faire maigrir de jalousie le Guinéen que je suis !
L'écrivain guinéen Tierno Monénembo était l'un des invités de François Busnel pour une édition spéciale de La Grande Librairie/em, tournée pour la première fois dans la galerie des Glaces du château de Versailles. Cette émission, diffusée le 20 décembre 2012 sur France 5, réunissait écrivains et historiens autour du thème de l'Histoire.
Regardez donc ! Mahamudu Bawumia, le vice-président sortant est battu par un ancien président, John Mahama, éliminé lui-même en 2017 après un premier mandat. Le vaincu a adressé un message de félicitations à son challengeur avant même la proclamation officielle des résultats : « Le peuple ghanéen s'est exprimé, il a voté pour le changement et nous le respectons en toute humilité. Je fais ce discours de concession avant l'annonce officielle de la Commission électorale pour éviter de nouvelles tensions et préserver la paix de notre pays? Il est important que la communauté mondiale des investisseurs continue de croire au caractère pacifique et démocratique du Ghana. » Qu'un homme politique place les intérêts nationaux au-dessus de sa misérable carrière personnelle, c'est suffisamment rare en Afrique pour qu'on le souligne au fluo !
Une alternance politique sans fausse note
La défaite du candidat du NPP (Nouveau Parti patriotique), le parti au pouvoir, s'explique aisément : inflation galopante, augmentation du coût de la vie, scandales politico-financiers à rebondissements, accroissement de la dette, etc. Le pays a même dû céder sa place de deuxième puissance économique de la Cedeao à la Côte d'Ivoire qui arrive dorénavant juste derrière le géant nigérian. Le genre de bévue que les Ghanéens ne pardonnent pas !
Malgré ce coup de pompe économique, ce pays dynamique, aux institutions solides, bénéficie toujours d'une solide réputation et pas seulement auprès des investisseurs. La stabilité politique attire parfois bien plus que les gisements de cobalt ou de diamant. C'est le gage le plus sûr de la prospérité : elle favorise le climat social et encore mieux, le climat des affaires.
Un air de Scandinavie à Accra depuis 1992
Il n'est pas exagéré de dire que depuis 1992, il flotte à Accra comme un air de Scandinavie : les élections s'y déroulent avec la même régularité que les saisons. Nous dansons même si ce n'est pas encore tout à fait la fête. En Afrique centrale, c'est toujours l'immobilisme. Au Cameroun, Biya est encore là, de même que Sassou au Congo. Au Tchad, il y a bien eu des élections mais sous les bottes de celui qu'il faut bien appeler le « maréchal-fils ». Quant au Gabon, on attend de voir, bien que Bongo soit tombé? En Afrique de l'Ouest, les expériences démocratiques ont toutes viré au cauchemar.
Mais bon, l'Afrique a connu pire que ça. Et quoi que l'on dise, elle est mieux armée aujourd'hui pour affronter la montée des périls. En un an, l'opposition a gagné les élections présidentielles dans pas moins de cinq pays. Ce n'est pas rien quand on regarde le champ de ruines que nous ont laissé nos guides éclairés et nos responsables suprêmes. Les amateurs du troisième mandat et les professionnels de la transition n'y peuvent rien, l'Afrique suit son bonhomme de chemin, elle sort doucement des méandres du pouvoir absolu et c'est le Ghana qui tire les autres.
Source : Africanews