Kaloum, lundi 27 janvier 2025 – Sous une chaleur accablante et dans une salle d’audience bondée, le tribunal correctionnel de Kaloum est devenu le théâtre d’une affaire retentissante. Le juge Ousmane Sylla préside une audience où trois anciens collaborateurs d’une entreprise minière de premier plan, African Bauxite Corporation (ABC), font face à des accusations graves d’abus de confiance et de concurrence déloyale.
Derrière les murs austères du tribunal, M. Alexandre Zotov, un homme d’affaires russe et représentant de la société plaignante ABC, expose avec force détails ce qu’il considère être une trahison orchestrée par trois hommes : M. Ahmed Kanté, ancien directeur général de la Soguipami, M. Claude Lorcy, collaborateur local, et M. Philippe Roger, avocat basé en Angleterre.
Une trahison à l’ombre des mines
Dans sa déposition, M. Zotov ne mâche pas ses mots. Il accuse les prévenus d’avoir utilisé des données stratégiques – études géologiques et géotechniques, contrats sensibles – issues de leur collaboration avec ABC pour créer une société concurrente, GIC. Cette manœuvre aurait, selon lui, causé un préjudice financier important à son entreprise.
« Ces trois personnes travaillaient avec moi sur deux projets phares : GBT et Axis. Nous avions investi des millions de dollars dans des études de faisabilité et des infrastructures clés », a-t-il déclaré.
Pour étayer ses accusations, M. Zotov a présenté des courriels accablants, dont certains remontent à des discussions sur le financement de projets majeurs d’ABC. L’un de ces messages évoquait la mobilisation de fonds pour Eurasian Resource Mining (ERM), une filiale de l’entreprise.
Une confiance brisée
Les échanges électroniques ne sont qu’un volet de l’affaire. M. Zotov a également raconté un voyage en Chine, où il était accompagné des prévenus. Ce déplacement, censé sceller une collaboration stratégique avec SD Mining, apparaît aujourd’hui comme un épisode clé dans la montée des tensions.
« Je leur faisais confiance, mais ils ont utilisé cette relation pour servir leurs propres intérêts. Ils avaient accès à toutes mes ressources », a lancé M. Zotov devant une audience suspendue à ses mots.
Le témoignage de M. Zotov a également révélé des détails financiers troublants. Il a évoqué un contrat signé avec M. Kanté, stipulant un paiement anticipé de 250 000 USD, ainsi qu’un versement de 0,25 USD par tonne exportée via un port stratégique. Malgré ce partenariat, il accuse aujourd’hui M. Kanté d’avoir cherché à prendre le contrôle du projet, affirmant qu’il détient désormais 58 % des intérêts de ce dernier.
La défense contre-attaque
Face à ces accusations, les avocats de la défense tentent de démonter les arguments du plaignant, qualifiant certaines affirmations de vagues ou non fondées. Les prévenus, impassibles, n’ont pas encore livré leur version des faits.
Prochain acte : 3 février 2025
Alors que le juge Sylla suspend l’audience, un climat de tension palpable règne dans la salle. La prochaine séance, fixée au 3 février, s’annonce décisive. Ce procès, qui met en lumière des enjeux financiers et politiques majeurs, suscite un vif intérêt dans le milieu minier guinéen et au-delà.
Sous les projecteurs, cette affaire pose une question essentielle : jusqu’où peut aller la concurrence dans un secteur aussi stratégique que celui des mines ?
Moussa Aziz Camara