Un entretien exclusif avec le président gabonais déchu, des rebondissements au procès du « Pablo Escobar » du Sahara, des rumeurs de dévaluation du franc CFA, des bisbilles dans la campagne pour la présidence de la BAD et une immersion dans Goma tenue par le M23 : voici le menu de la semaine, par « Jeune Afrique ».
Bonjour à toutes et tous,
bienvenue dans cette nouvelle édition du Brief, un tour d’horizon de l’essentiel de l’actualité de la semaine, avec un concentré de nos meilleurs articles.
Au programme de cette édition :
1 – Gabon : une rencontre exclusive avec Ali Bongo Ondimba
2 – RDC : un reportage à Goma tombée aux mains du M23
3 – Maroc : les dernières révélations dans le procès du « Pablo Escobar du Sahara »
4 – BAD : l’unité de l’Afrique centrale vole en éclats
5 – Souverainisme économique : une dévaluation du franc CFA est-elle possible ?
1 – Rencontre exclusive avec Ali Bongo, le reclus de Libreville
Cerbères. L’homme que Marwane Ben Yahmed a rencontré est un homme seul. Déchu de ses fonctions depuis la prise de pouvoir de Brice Clotaire OliguiNguema, après un coup d’État perpétré le 30 août 2023, l’ancien président du Gabon vit désormais en résidence surveillée, à la Sablière, son adresse de Libreville. Blindé hérissé d’une mitrailleuse lourde à l’entrée, membres de la Garde républicaine (GR) en cerbères, il est loin le temps du Palais de bord de mer.
Sudokus et mots fléchés. Ali Bongo Odimba « en a marre », il ressasse son exigence d’être réuni avec son épouse, Sylvia Bongo Ondimba, et son fils, Noureddin Bongo-Valentin, tous les deux emprisonnés depuis un an et demi. Il y a bien eu cette réunion, le 17 mai 2024, avec Brice Clotaire OliguiNguema et plusieurs membres de la famille Bongo Ondimba dont Nourreddin et sa mère, et les deux autres fils d’ABO, Bilal et Jalil. L’ancien président et sa sœur aînée Pascaline étaient également présents. « Cette réunion n’a servi à rien. Depuis, j’ai demandé cinq ou six fois à voir Brice Oligui, sans succès. Ça suffit ! S’il ne les libère pas… », s’emporte-t-il.
Depuis l’AVC qui l’a frappé en octobre 2018, ABO est un homme fragile à la démarche hésitante. Il reste persuadé de ne pas avoir perdu les élections et sourd à la liesse qui a saisi les rues de Libreville à l’annonce de sa chute. Même les sudokus et les mots fléchés qu’il enchaîne au bord de la piscine ne suffisent plus à dissiper son amertume tenace.
2 – Dans l’est de la RDC, reportage à Goma, laboratoire meurtri d’un M23 sans frontières
Une « guerre propre » ? Capitale régionale du Nord-Kivu, 1 000 000 d’habitants, Goma est désormais aux mains du mouvement rebelle M23. Depuis qu’il est revenu sur le devant de la scène en 2021, c’est sa plus grande victoire, la plus éclatante, surtout après que, en 2012, ses combattants avaient été obligés d’abandonner la ville sous la pression internationale.
Corneille Naanga savoure cette conquête, lui qui accueille l’envoyé spécial de Jeune Afrique à l’hôtel Serena de la ville. « Visage politique de cette rébellion à travers l’Alliance Fleuve Congo (AFC), la plateforme qu’il coordonne depuis décembre 2023, il affirme vouloir détruire le monstre [qu’il a créé] » en parlant du président congolais, Félix Tshisekedi, explique Romain Gras. Il assure avoir voulu une « guerre propre » pour s’emparer de la ville, le reportage de notre journaliste viendra le démentir.
Régionalisation du conflit. Les habitants de la ville cherchent leurs morts, essaient de comprendre l’équilibre des forces en présence entre les « Blancs », les soldats congolais, les milices, les groupes armés qui se sont affrontés dans la ville et qui déchirent la région depuis des décennies. Tous semblent retenir leur souffle, assistant à l’avancée rapide des rebelles, ignorant quels combattants défaits se cachent dans la forêt, menaçant d’un cycle de vengeance sans fin. Surtout, Romain Gras rappelle combien les risques de régionalisation du conflit sont réels, avec l’avancée du M23 vers la frontière avec le Burundi, autre adversaire du Rwanda de Paul Kagame.
3 – Au Maroc, le procès du « Pablo Escobar du Sahara » prend un nouveau tournant
Trafic de drogue international. Le procès a beau se dérouler depuis le 23 mai 2024, c’est bien ce 14 février « que les choses sérieuses ont enfin commencé », raconte la journaliste de Jeune Afrique qui avait révélé l’affaire dite du « Pablo Escobar du Sahara », en août 2023.
Ces choses sérieuses, c’est le cœur du dossier, à savoir les accusations de trafic de drogue international dans lequel sont accusées de tremper deux personnalités éminentes du monde politique et des affaires, dont AbdenbiBioui, membre du Parti authenticité et modernité (PAM) et ancien président de la région de l’Oriental. Les enquêteurs ont découvert qu’il était surtout le chef d’un des plus vastes trafics de drogue au Maroc depuis plus de vingt ans. Depuis sa cellule de la prison d’El Jadida, au sud de Casablanca, El Hadj Ahmed Ben Ibrahim, dit le « Pablo Escobar du Sahara », a dénoncé Bioui.
Pour l’instant, et alors qu’il s’est constitué partie civile, il ne s’est pas encore présenté au tribunal. Et Bioui n’a toujours pas comparu. Le grand déballage ne fait que commencer.
4 – Banque africaine de développement : Mahamat Abbas Tolli déjà lâché par l’Afrique centrale ?
Rebondissements. L’élection du prochain président de la Banque africaine de développement (BAD) aura lieu le 29 mai prochain, un horizon lointain alors que les rebondissements de campagne se multiplient. Pourtant, tout semblait en ordre depuis que, en février 2024, les six pays membres de la Cemac et en mars 2024, les dirigeants de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), avaient adoubé la candidature unique du Tchadien, Mahamat Abbas Tolli.
Une belle unité qui vient de voler en éclats, comme le raconte Thaïs Brouck, journaliste économique de Jeune Afrique. En effet, le Gabon de Brice Clotaire OliguiNguema vient d’apporter son soutien au Sénégalais Amadou Hott. La campagne va être longue…
5 – La dévaluation du franc CFA, un scénario impossible à exclure
Rumeurs. Dans une série consacrée au départ des entreprises françaises du pré carré de l’ancienne puissance coloniale, le journaliste de Jeune Afrique, Thaïs Brouck, consacre ce second épisode aux rumeurs de dévaluation du franc CFA. Pour ce faire, il convoque l’histoire, souvent chaotique, de cette monnaie alignée sur le franc, et dont l’existence a régulièrement été émaillée de menaces de dévaluation. Aujourd’hui, c’est ce même spectre qui continue de « hanter les nuits des dirigeants des zones franc CFA », écrit le journaliste.
Kako Nubukpo. Pour les besoins de l’enquête, l’économiste togolais Kako Nubukpo a été sollicité. Il explique ainsi les rumeurs régulières de dévaluation : Le « franc CFA est une monnaie trop forte, surévaluée d’environ 10 %. Même si à court terme, l’option d’une dévaluation semble être exclue, nous sommes dans une situation qui, à certains égards, pourrait rappeler celle qui prévalait en 1994. Les critères de convergence ne sont plus respectés depuis 2021 et il y a un dérapage budgétaire dans de nombreux pays de la zone.» Une série pour replonger dans l’histoire et qui éclaire la situation d’aujourd’hui.
Source : jeune Afrique