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Installé au pouvoir, presque par accident, en 2000, le dictateur syrien a fini par fuir son pays, au terme d'une offensive éclair de plusieurs factions rebelles. Retour sur 24 années d'un régime sans pitié pour ses opposants, et soutenu à bout de bras par les parrains russe et iranien.

Né le 11 septembre 1965 à Damas, Bachar el-Assad est le troisième enfant d’une fratrie de cinq frères et sœurs, une place dans la lignée qui ne le prédestinait pas, a priori, à accéder au pouvoir suprême et à prendre la succession d’Hafez el-Assad, son père. À la tête de la Syrie durant près de trente ans, de février 1971 à juin 2000, l’indéracinable Lion de Damas voyait plutôt lui succéder l’aîné des fils, Bassel el-Assad, avant que celui-ci ne trouve la mort dans un accident de la route en 1994, près de l’aéroport de la capitale.

Lorsque son frère décède, Bachar est étudiant à Londres où il termine sa spécialisation en ophtalmologie, une carrière qu’il doit abandonner brusquement à la demande du patriarche. Au lieu de finaliser son long cursus médical, il rejoint illico l’Académie militaire de Homs où il va suivre une formation accélérée d’officier pour accéder finalement au grade de colonel en 1999. Le timing est opportun car, après avoir accompli quelques missions diplomatiques, notamment en France et au Liban (il parle l’anglais et le français couramment), l’héritier-malgré-lui va se voir brutalement propulsé à la tête du pays.

Formation accélérée

Malade du cœur, Hafez el-Assad meurt le 10 juin 2000 à l’âge de 69 ans, un décès qui prend d’abord le régime de cours. Par un tour de passe-passe dont seules les dictatures sont capables, le Parlement abaisse alors de 40 à 34 ans l’âge minimal pour qu’un candidat puisse se présenter à l’élection présidentielle, permettant ainsi au colonel Assad, âgé de 34 ans, ça tombe bien, de briguer la présidence. Intronisé commandant en chef des Forces armées syriennes deux jours après le décès du père, Bachar accède à la fonction suprême par référendum le 10 juillet. On pense alors qu’il va lâcher un peu de lest et adopter des réformes qui tendront vers plus de démocratie.

Son arrivée au pouvoir est effectivement porteuse d’espoir car son jeune âge ainsi que son séjour de dix-huit mois en Europe lui confèrent une image de moderniste, impression renforcée par son mariage cette même année 2000 avec Asma qu’il a rencontrée à Londres et qui endosse avec délice le rôle de première dame glamour, « à l’occidentale ». De fait, le nouveau raïs libère plus de 600 prisonniers politiques et relâche son emprise sur les médias dans les premiers mois de sa gouvernance. L’intermède pseudo-démocratique va être cependant de courte durée.

Méfiant car se sentant illégitime, d’où cette perpétuelle réserve affichée en public, Bachar écarte du pouvoir la vieille garde de son père où cohabitaient des membres historiques du Parti Baas, les militaires sunnites et les proches alaouites, cette branche de l’islam chiite à laquelle n’adhère que 12% de la population syrienne, dont la famille Assad. Le nouveau président préfère le cercle familial, des proches dont la présence le rassure autant qu’ils le coupe des réalités. Le « printemps de Damas » ne passe pas l’hiver et, dès janvier 2001, mille intellectuels sont jetés en prison pour avoir signé un manifeste demandant, entre autres, la levée de l’état d’urgence et la restauration du multipartisme.

Répression implacable

L’embellie économique que connaît le pays, grâce notamment à l'exportation de gaz et d'hydrocarbures (entre 4,5% et 7% de croissance de 2004 à 2009 et un taux de chômage qui chute de 20% à 8,3% durant la décennie), profite à la dictature mais pas à la démocratie, dans un régime de plus en plus soumis au culte de la personnalité, où l’opposition est bâillonnée, les contestataires torturés, les rebelles emprisonnés. Pourtant, celui que ses détracteurs surnomment désormais « La Girafe » - par référence au long cou qui fait culminer sa silhouette à 1,90 m – reste un interlocuteur crédible aux yeux de la communauté internationale jusqu’en 2005.

L’assassinat du Premier ministre libanais Rafic Hariri le 14 février de cette année, en plein Beyrouth, change la donne car l’attentat est immédiatement attribué à Damas. A l’époque, le pays du Cèdre est encore sous tutelle syrienne. Forcé de retirer ses troupes du Liban sous la pression de l’ONU, Bachar trouve du réconfort dans le soutien que lui apporte l’Iranien Mahmoud Ahmadinejad, arrivé au pouvoir à Téhéran en juin 2005. En guise de consolation, il se réjouit des succès du Hezbollah qu’il soutient et qui chasse l’armée israélienne du sud-Liban en 2006. Sans surprise, et sans adversaire, il est réélu avec plus de 97% des suffrages à la présidentielle de 2007 pour un nouveau septennat, à seulement 41 ans.

Lorsqu’éclate le printemps arabe de 2011, Bachar se croit à l’abri de la contestation. Mais celle-ci gagne également la Syrie, l’un des pays du Moyen-Orient les mieux outillés en technologie internet, une avancée dont s’est d’ailleurs vanté le pouvoir mais qui permet aux opposants de grossir leurs rangs à la vitesse du haut débit. Partie de Deraa le 15 mars, la révolte se propage dans le reste du territoire lorsque les Syriens apprennent qu’une douzaine d’enfants auteurs de graffitis « Bachar el-Assad dégage ! » ont été torturés et assassinés par les services de sécurité de la région.

Le terrible engrenage

À ce moment-là, le dictateur n’est pas encore directement visé par le peuple qui le pense toujours manipulé par son entourage et ne demande pas d’emblée son départ. Le 30 mars va marquer un tournant. Alors que les opposants croient avoir été entendus dans leur demande de réformes, Bachar el-Assad prononce un discours très dur envers les manifestants devant le Parlement. C’est le point de non-retour. Au lieu de lâcher du lest, le « raïs » envoie les chars dans les rues et n’hésite pas à faire tirer sur la foule. Traitant les contestataires comme des terroristes, il donne alors le feu vert à une abominable répression qui n’épargne ni les femmes ni les enfants et fait de la torture une pratique usuelle.

C’est le début d’un terrible engrenage au cours duquel la situation du pays et de la région va aller de mal en pis. Pour se maintenir au pouvoir, le tyran joue la montre, annonçant des réformes qui ne sont jamais suivies d’effet, comme après les législatives de mai 2012. Il agite aussi la menace du terrorisme radical comme excuse à sa violence. Et il se sert également du soutien des Russes et des Chinois (qui opposeront trois vetos à des projets de résolution hostiles de l’ONU envers Damas) mais aussi des Iraniens ainsi que du Hezbollah pour rester en poste, alors que tout s’effondre autour de lui.

Rien n’y fait, ni les sanctions économiques occidentales contre le régime ; ni les menaces d’intervention militaire ; pas plus que les comptes-rendus de l’ONU sur les crimes de guerre du tyran ; ou les injonctions de la Ligue arabe demandant sa démission : de 2011 à ce jour, la répression continue dans une Syrie qui sombre dans la guerre civile.

En juillet 2011, quand des militaires commencent à déserter l’armée pour créer l’Armée syrienne libre (ASL), beaucoup croient pourtant que le pouvoir n’en a plus pour très longtemps. Illusion. Malgré quelques succès sur le terrain et le soutien des Occidentaux, les rebelles du Conseil national syrien, fondé à Istanbul le 15 septembre 2011, ne parviendront jamais à renverser un dictateur pourtant affaibli par le départ de certains fidèles et de ministres de premier plan.

Même les accusations d’avoir utilisé les armes chimiques contre des civils en août 2013 – exactions que Barack Obama avait pourtant désignées comme une « ligne rouge » à ne pas franchir – ne vont pas déboucher sur une intervention par la force des Américains et de leurs alliés. De chaotique, la situation dans la région devient carrément catastrophique avec l’apparition d’un groupe qui se fait appeler État Islamique et qui va créer officiellement un califat à l’est de la Syrie sous la coupe d’Abou Bakr al-Baghdadi, attirant à lui des milliers de jihadistes étrangers. Il s’agit d’une aubaine pour Assad car ce nouvel acteur, que l’on va désormais appeler Daech, complique encore un peu plus les choses sur le théâtre des opérations et dans la coulisse diplomatique.

Inamovible malgré la crise

Au terme de deux ans de guerre, le pays devient de plus en plus invivable et, fin 2013, plus de 2,3 millions de Syriens se sont déjà réfugiés dans les pays voisins : Turquie, Irak, Jordanie, Liban, Egypte. En janvier 2014, des discussions de paix se tiennent à Genève sous l’égide de l’ONU mais elles ne débouchent à nouveau sur rien de concret, d’autant que le régime Assad se sent rasséréné par des victoires sur le terrain, comme la reconquête de Homs en mai 2014, un revers sérieux pour les opposants. Seule note positive, la résolution 2118 adoptée par l’ONU en septembre 2013 qui conduit au démantèlement, fin 2013-début 2014, de l’arsenal chimique dont dispose le pouvoir.

Jamais à court de cynisme, le régime organise en juin 2014 l’élection présidentielle comme si de rien n‘était et se plaît même à souligner que, pour la première fois, il ne s’agira pas du traditionnel référendum mais bien d’un scrutin à plusieurs candidats. Petit détail cependant : le vote n’a lieu que dans les zones contrôlées par le régime et seuls des citoyens ayant résidé en Syrie lors des dix dernières années peuvent se présenter… ce qui exclut évidemment les opposants ayant trouvé refuge à l’étranger. Sans surprise, Bachar el-Assad est réélu le 3 juin 2014 pour un troisième septennat, avec plus de 10 millions de voix et 88,7% des suffrages.

L’année 2015 voit s’amplifier la crise des réfugiés qui continuent de fuir la Syrie par dizaines de milliers. Fin 2015, on dénombre ainsi plus de quatre millions de Syriens (sur une population de 22,7 millions en 2012) réfugiés à l’étranger et 6,7 millions de déplacés à l’intérieur du pays. Le bilan humanitaire est catastrophique : plus de 200 000 morts au moment où, le 30 septembre 2015, Vladimir Poutine répond à la demande officielle d’aide militaire de Bachar el-Assad pour combattre l'État islamique. Très vite cependant, les observateurs se rendent compte que les Russes bombardent également les positions des rebelles afin de soutenir les forces loyalistes syriennes en difficulté. Nouvelle désillusion pour les opposants au régime.

À l’automne cependant, la possibilité d’un départ négocié de Bachar el-Assad commence à prendre forme dans les discussions entre les participants au processus de Genève et avec l'annonce par la Russie que le pouvoir consentirait à la tenue d'élections législatives anticipées. Celles-ci ont finalement lieu le 13 avril 2015 mais seulement dans la minorité du territoire contrôlé par Damas. Sans surprise, le Front national progressiste qui rassemble diverses formations alliées au Parti Baas recueille 200 sièges sur 250 et s’assure ainsi la majorité absolue. Quant à Bachar el-Assad, il reste plus que jamais en place. En l’espace de six ans, son pays est devenu un gigantesque champ de bataille où sont impliqués de près ou de loin une soixantaine de pays.

Des soutiens de poids

Symbole du chaos, la ville d’Alep – où les rebelles et Daech se sont un moment alliés face au régime et où quantité de groupes et de factions ont pris les armes côte à côte puis les unes contre les autres – finit par retomber aux mains des loyalistes après une bataille qui aura duré plus de quatre ans. L’entrée en lice de la Russie a changé la donne en sauvant le régime et son chef qui s’octroie un nouveau répit alors que, dans un même temps, le groupe État islamique a dû effectuer un repli considérable : de 60 000 km2 au plus fort de sa puissance en 2014, le « califat » proclamé ne s’étend plus que 25 000 km2 au sortir de l’hiver 2016-2017.

Maîtres du jeu, les Russes annoncent le 30 décembre 2016 la conclusion d’un accord de paix qui garantit un cessez-le feu. Arrivé au printemps 2017, le régime de Bachar ne contrôle plus de son côté que 17% du territoire, mais c’est ce que l’on appelle « la Syrie utile » avec les principales villes Damas, Alep, Homs, autrement la partie la plus riche du pays. Dans l’intervalle, le bilan humanitaire s’est encore considérablement alourdi : plus de 320 000 morts et 145 000 disparus selon un décompte fourni début mars 2017 par l’Observatoire syrien pour les droits de l’homme. Quant à la la feuille de route du processus de Genève visant à faire partir Bachar et à mettre en place un régime de transition le plus inclusif possible, elle reste à ce moment-là au point mort.

Au contraire, celui-ci profite de ses nouveaux soutiens pour affaiblir encore un peu plus la rébellion en menant des raids aériens sur la province d’Idleb et en reprenant d’autres bastions qui lui échappaient depuis 2012. L’étape suivante se déroule à Astana, au Kazakhstan, où la Russie, la Turquie et l’Iran entament des pourparlers visant à maintenir la trêve. La situation profite encore à Bachar le-Assad allié traditionnel des Russes et des Iraniens alors que les Turcs sont plus préoccupés par l’émergence d’un possible État kurde que par le maintien au pouvoir du tyran de Damas. Le 23 février 2017, l’ONU relance pour sa part des discussions à Genève via son médiateur, le Suédois Staffan de Mistura sans toulois trouver un accord entre l’opposition exilée et un Bachar el-Assad toujours solidement arrimé au pouvoir.

Une chute aussi rapide qu'inattendue

En 2019, la faillite du secteur bancaire libanais où de nombreux Syriens plaçaient leurs avoirs se propage en Syrie. Dans un pays déjà exangue économiquement, la situation s'aggrave un peu plus avec la dégringolade de la livre syrienne et l'explosion des prix des denrées de base, suscitant un fort mécontentement de la population. Mais Bachar el-Assad continue de penser que le temps joue en sa faveur. Paria de la communauté internationale, il pense encore pouvoir faire son retour sur la scène diplomatique lorsque la Ligue arabe réintègre la Syrie en 2023.

Après treize ans de guerre civile durant laquelle il aura tout fait pour se maintenir au pouvoir coûte que coûte, la chute de Bachar el-Assad aura finalement été aussi rapide qu'inattendue. Profitant du désengagement de la Russie, plus préoccuppée par la guerre en Ukraine que par la sauvegarde du régime syrien, ainsi que de l'affaiblissement de l'Iran dont la capacité d'action a été nettement amoindrie par la guerre menée par Israël contre le Hezbollah au Liban, les rebelles syriens ont saisi la balle au bond pour mener une contre-offensive le 27 novembre 2024 et reprendre Alep. 

Face à un régime lâché par ses principaux alliés, il ne faudra que douze jours aux rebelles pour chasser le « raïs ». Emmené par le groupe islamiste Hayat Tahrir al-Sham créé en 2017 dans le sillage du Front al-Nosra et autrefois affilié à al-Qaïda, la contre-offensive rebelle, également appuyée par l'Armée syrienne libre à l'est, reprend progressivemment plusieurs grandes villes du nord du pays dont Hama et Homs. Au sud aussi, les région de Soueida et Deraa tombent facilement aux mains de l'opposition.

Aux portes de Damas, les rebelles annoncent alors le 7 décembre commencer à encercler la capitale syrienne. En quelques heures, il entrent dans la ville sans rencontrer de résistance particulière. Lâché par son armée et ses forces de sécurité, Bachar al-Assad n'a alors d'autre choix que de quitter la Syrie, balayé par une contre-offensive éclair qui a mis fin en douze jours à près de 53 années de règne sans partage de la dynastie Assad.

Source : Rfi