RFI : Le gouvernement israélien a annulé une réunion prévue ce matin et Benyamin Netanyahu accuse le Hamas de remettre en cause certains des points contenus dans cet accord. De quoi ternir le soulagement affiché depuis hier, notamment par les dirigeants américains qui ont beaucoup pesé dans les négociations. Est-ce que tout le monde n'a pas crié victoire un peu trop vite ?
Élie Barnavi : Difficile de répondre. Je crois que même s'il y a encore du retard, je pense que c'est fait, je ne vois pas ce processus être renversé, donc quelques heures de plus ou de moins, ça ne changera rien, sauf pour les nerfs des familles des otages. Mais l'accord aura lieu. Il a été signé et il sera mis en œuvre.
Benyamin Netanyahu est sous pression de l'extrême droite. Est-ce qu'il a vraiment le choix de toute façon ? Est-ce qu'il pourrait se fâcher déjà avec Donald Trump qui, lui, veut cet accord pour permettre justement la libération des otages ?
Non, justement, je ne pense pas. Je pense que Donald Trump a inventé, enfin réinventé, une autre manière de faire de la politique internationale qui va avec une brutalité incroyable. Il a en fait dit à Netanyahu : « Tu arrêtes ça et on n'en parle plus. » Et donc, je regrette d'avoir à le dire, il était l'homme de la situation et donc le choix, s'il a le choix entre déplaire à Trump ou déplaire à son extrême droite, dont il n'a plus vraiment besoin arithmétiquement pour survivre politiquement, je pense que Netanyahu n'a pas le choix. Il va obéir à Trump et donc c'est pour ça que je pense qu'on peut être modérément optimiste, ça va se faire.
Donald Trump, puisque vous en parlez, s'est félicité de cet accord. Il l'a présenté comme une victoire personnelle, ce qu'a fait aussi Joe Biden. Alors qu'on sait que les deux administrations, sortante et puis celle qui entrera en fonction lundi prochain, ont travaillé ensemble. On a quand même l'impression, et ça correspond un peu à ce que vous disiez, que Donald Trump a fait basculer des discussions qui piétinaient depuis plusieurs mois. Qu'est-ce qui a fait la différence ?
C'est lui qui a fait la différence. Le changement de méthode, c'est la brutalité de l'intervention. Il a fait tout ce que Biden et Blinken n'ont pas réussi à faire. Et Netanyahu les a menés en bateau, depuis un an déjà. L'accord qu'on vient de signer est à peu près le même qu'on aurait pu signer en juillet ou en mai.
C'est uniquement le ton qui change ou c'est aussi ce qu'il y a dans la balance ?
Non, c'est le ton et la menace. Quand Trump dit : « Les portes de l'enfer vont s'ouvrir », on comprend bien que... Je ne vois pas quel enfer supplémentaire il peut y avoir à Gaza. En revanche, il a menacé les intermédiaires, le Qatar, l'Égypte et surtout Israël. Vous savez, on dépend tellement des Américains, surtout maintenant, pour les munitions, pour tout en fait, pour la couverture diplomatique, qu'en filigrane, ce qu'il y avait dans le ton de Trump, c'était ça : si vous n'arrêtez pas, on va sortir la grosse artillerie. Et ça, Netanyahu est incapable de résister à cela. Donc si vous voulez, c'est Biden qui a préparé le terrain. C'est lui qui nous a protégés, qui a préparé l'accord d'aujourd'hui, il y a eu un énorme travail de préparation, mais sans l'intervention de Trump, l'accord n'aurait jamais pu être signé.
Et cette méthode forte dont vous parlez, ça s'est vu d'ailleurs au moment où l'émissaire de Donald Trump avait contraint le Premier ministre israélien à travailler, par exemple, le jour du shabbat. Quand il a réagi hier, le président élu des États-Unis n'a mentionné que les otages israéliens qui sont aux mains du Hamas depuis le 7 octobre 2023. Il n'a pas eu un mot pour les Palestiniens de Gaza. Qu'est-ce que ça nous dit de la suite ?
Rien. Ça ne nous dit rien. Vous savez, je ne sais pas si vous vous en êtes aperçu, Trump n'est pas un sentimental, sauf quand il s'agit de lui-même. Et le sort des Palestiniens, comme des Israéliens d'ailleurs, il s'en fiche comme d'une guigne. Et donc le problème n'est pas là. C'est comme dans sa vision du bon transactionnelle, est-ce que pousser à la création d'un État palestinien, c'est bon pour lui ou pas ? Et on peut espérer qu'il va conclure que c'est bon pour lui parce que ce qu'il veut, c'est un accord avec l'Arabie saoudite, c'est la normalisation. C'est donc retravailler avec le Proche-Orient selon les intérêts des États-Unis.
Sur ce point, à en croire le secrétaire d'État sortant, ça a bien avancé. Ça fait partie des étapes qui vont être abordées rapidement, selon vous, la normalisation des relations entre Israël et l'Arabie saoudite ?
Oui. Sauf que les Saoudiens ont beaucoup changé depuis le 7 octobre. Avant, ils étaient partout. Ils étaient prêts à signer sans mention du peuple Palestinien. Maintenant, ils ne le sont plus. Maintenant, ils exigent un chemin, quelque chose qui dise : Voilà, on va vers un État palestinien. Et donc ça va être très compliqué à résoudre, la quadrature du cercle, parce que ça, Benyamin Netanyahu ne veut pas en entendre parler. Et donc ce qu'il faut espérer, je pense, c'est sécuriser la bande de Gaza, c'est commencer un processus de reconstruction, c'est avoir une espèce de force internationale arabe avec une certaine implication des Palestiniens et attendre d'être débarrassés du gouvernement Netanyahu. Tant qu'il est là, avec ses partenaires, rien ne pourra être fait.
Rfi