L'attaque du M23 et de ses alliés rwandais sur Goma a provoqué deux réunions en urgence du Conseil de sécurité des Nations unies et des réunions des instances africaines et de pays européens. L'ONU, les États-Unis, la Chine et l'Union européenne ont appelé Kigali à retirer ses forces de la région et cesser les hostilités. L'Union africaine a appelé au « plein respect » de « l'intégrité territoriale de la RDC », sans mentionner le Rwanda. Un sommet extraordinaire de la Communauté des États d’Afrique de l’Est doit s’ouvrir ce mercredi sur la crise au Nord-Kivu, auquel le président Tshisekedi « n'a pas prévu » de participer.
Un sommet de la Communauté est-africaine est attendu ce mercredi 29 janvier à Nairobi, mais le président de la RDC n'a pas l'intention d'y assister, selon sa cellule de communication. Sa participation avait été annoncée, dans un premier temps par le président du Kenya, comme celle du président Kagame, mais pas confirmée par l'intéressé.
William Ruto avait rencontré hier mardi Amina J. Mohammed, la secrétaire générale adjointe des Nations unies. La veille, c’est avec le président français Emmanuel Macron et le nouveau secrétaire d’État américain, Marco Rubio, qu’il s’entretenait au téléphone. Sur X, William Ruto assure avoir reçu le soutien de chacun « dans ses efforts pour la stabilité régionale ».
Le processus de Nairobi, lancé par son prédécesseur, le président Uhuru Kenyatta, est une coquille vide depuis près d’un an. Les relations entre William Ruto et Félix Tshisekedi se sont rapidement dégradées, souligne Gaëlle Laleix, notre correspondante à Nairobi, Kinshasa soupçonnant Nairobi d’avoir pris le parti de Kigali. Mais « le contexte a changé », explique Hassan Khannenje, directeur de l’Institut international sur la Corne. « La déroute des forces de la SADC sur le terrain et l’échec des discussions de Luanda, laissent Félix Tshisekedi à court d’options », poursuit-il.
Selon une source diplomatique, en appelant la SADC, l’Union africaine et d’autres acteurs à prendre part à cette initiative, William Ruto ferait preuve cette fois d’humilité. « Il reconnait au moins la complexité de cette crise dont les retombées vont bien au-delà de l’Afrique de l’Est », poursuit-il.
Nouvelle réunion d'urgence du Conseil de sécurité, la Chine hausse le ton
Depuis le premier Conseil de sécurité sur les affrontements autour de Goma dimanche 26 janvier, les voix se sont faites plus nombreuses pour demander au Rwanda de lâcher les miliciens du M23. L’ambassadeur chinois a, pour la première fois, été explicite. Fu Cong a appelé le Rwanda à entendre les demandes qui se multiplient de ne plus soutenir le groupe armé M23, engagé dans des combats contre l'armée congolaise dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC). « La Chine exige que le M23 cesse toute hostilité et batte en retraite de Goma et des autres zones occupées. La Chine espère que le Rwanda entendra l'appel de pays africains et du secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, il faut cesser de soutenir le M23 d'un point de vue militaire et il faut procéder à un retrait immédiat de toutes les forces militaires du territoire de la RDC. »
Seuls la Russie et les trois pays africains du Conseil - Algérie, Somalie et Sierra Leone, ainsi que leur allié le Guyana, se sont refusé à désigner Kigali comme responsable. Selon des observateurs, ils attendent la position officielle de l’Union africaine.
Or, cette prise de position ne devrait pas avoir d’influence sur ce qui se passe à New York, selon la cheffe de la diplomatie congolaise, Thérèse Kayikwamba Wagner. « Jusqu’à quand le Rwanda continuera-t-il d’abuser votre respect ? Quel instrument international doit-il encore violer pour que ce Conseil prenne enfin les mesures nécessaires contre Kigali ? Laisser cette crise s’enliser sous prétexte qu’elle serait un problème africain, nécessitant une solution africaine, revient à trahir l’esprit de solidarité internationale qui fonde cette organisation. » Kinshasa exige le retrait immédiat des forces rwandaises, la prise de sanctions contre les cadres de l’armée et du gouvernement rwandais, un embargo sur le coltan et l’or rwandais et la transparence autour des transferts d’armes au Rwanda.
Une responsable de la mission onusienne, la Monusco, a décrit une situation sécuritaire qui se dégrade : des cadavres jonchent les rues de Goma, et les installations de la Croix Rouge internationale sont débordées. Elle a mis en garde contre les risques d’attaques sur des bases « ethniques » dans l’est de la RDC.
De son côté, la Commission européenne a annoncé une aide humanitaire d'urgence de 60 millions d'euros en faveur des populations déplacées dans l'est de la RDC.
Marco Rubio appelle Paul Kagame qui salue une « conversation productive »
Le président rwandais Paul Kagame salué, ce mercredi, une « conversation productive » avec le chef de la diplomatie américaine Marco Rubio sur la « nécessité d'assurer un cessez-le-feu dans l'est de la RDC et de s'attaquer aux causes profondes du conflit une fois pour toutes ». Le nouveau secrétaire d'État américain a, lors d'un appel avec le président rwandais, « exhorté à un cessez-le-feu immédiat dans la région et à ce que toutes les parties respectent l'intégrité territoriale souveraine » de la RDC, a indiqué le département d'État dans un communiqué. Les États-Unis sont « profondément troublés par l'escalade du conflit en cours dans l'est de la RDC, en particulier par la chute de Goma aux mains du groupe armé M23 soutenu par le Rwanda », ajoute le communiqué.
Paul Kagame souligne « l'importance d'approfondir » les « liens bilatéraux sur la base du respect de nos intérêts nationaux respectifs. Je me réjouis de travailler avec l'administration Trump pour créer la prospérité et la sécurité que les populations de notre région méritent », a-t-il ajouté.
Pour rappel, le chef de la diplomatie américaine s'était entretenu lundi avec le président de la RDC, Félix Tshisekedi, condamnant l'assaut sur Goma du M23. Les États-Unis ont appelé mardi leurs ressortissants à quitter la République démocratique du Congo, quelques heures après que leur ambassade et plusieurs autres représentations étrangères à Kinshasa ont été prises pour cible par des manifestants.
Des initiatives bilatérales : l'Allemagne suspend sa coopération avec Kigali
Hier mardi, l'Allemagne a fait savoir qu'elle a mis sur pause des discussions sur son aide au développement avec le Rwanda, en exigeant la « fin de l'escalade » et « le retrait » du M23 de l'est de la RDC. L’Allemagne a décidé d’annuler des consultations gouvernementales prévues pour février avec le Rwanda, sans préciser quels étaient les participants. Le ministère du Développement allemand a par ailleurs déclaré se concerter avec d’autres donateurs sur les conséquences à tirer, rapporte notre correspondant à Berlin, Pascal Thibaut. Lors de négociations bilatérales à l’automne 2022, Berlin s’était engagée à verser une aide au développement de près de 100 millions d’euros au Rwanda entre 2022 et 2024.
Le ministère des Affaires étrangères a qualifié la poussée du M23 dans Goma de « violation flagrante du droit international qui sape les efforts de paix » et a appelé au retrait des combattants et pour un libre accès de l’aide humanitaire.
Le pape François déplore « les violences », demande « l’arrêt le plus rapide possible de toute forme de violence »
Le pape François a déploré mercredi les violences qui touchent l'est de la République démocratique du Congo (RDC) et a appelé à la fin des combats.
« J'exhorte toutes les parties au conflit à s'engager en faveur de la cessation des hostilités et pour la sauvegarde des population civiles de Goma et des autres régions concernées par les opérations militaires », a-t-il dit à l'issue de l'audience générale. Il a également demandé « l'arrêt le plus rapide possible de toute forme de violence ».
Source : Rfi