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Photo: Sayyid Azim Associated PressLe directeur général de l’Organisation mondiale du commerce, Roberto Azevêdo (à droite), en compagnie de la présidente du Libéria et du président du Kenya

Quatorze ans après leur début, les négociations restent infructueuses, en dépit des quelques accords conclus à Nairobi, la semaine dernière

Le temps est venu de tirer un trait sur le cycle de Doha et de passer à autre chose à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), ont conclu ce week-end des pays riches, contrairement aux pays en développement qui voudraient garder vivantes ces négociations censées leur faire une place dans l’ordre commercial international, mais qui piétinent depuis 14 ans.

La 10e conférence ministérielle de l’OMC, la première à se tenir en Afrique, s’est conclue samedi, à Nairobi, au Kenya, par une série d’avancées en matière notamment d’agriculture et de technologies de l’information, mais aussi sur une grosse impasse. Alors que la plupart de ses 162 pays membres se sont redits, dans la déclaration finale,« pleinement déterminés » à aller jusqu’au bout du cycle de négociations lancé à Doha, au Qatar, à l’automne 2001, un groupe de pays riches constitués entre autres des États-Unis, de l’Union européenne et du Canada, estime désormais que « de nouvelles approches sont nécessaires pour obtenir des résultats significatifs dans les négociations multilatérales ».

Épuisé après un marathon entrepris mardi et terminé 24 heures plus tard que prévu, le directeur général de l’OMC, Roberto Azevêdo, a refusé d’y voir le dernier clou dans le cercueil de négociations que plusieurs considéraient déjà depuis longtemps comme définitivement bloquées. « Nous avons devant nous un sérieux travail en 2016 », s’est-il limité à reconnaître. Le représentant américain au Commerce, Michael Froman, a été plus catégorique tout en présentant l’affaire sous un jour positif. « Si les opinions restent divergentes au sein des membres de l’OMC, il est clair que la route d’une nouvelle ère pour l’OMC s’est ouverte à Nairobi. » Il voudrait ainsi que les grandes puissances émergentes, comme la Chine, cessent de demander les mêmes privilèges que les pays pauvres, que l’OMC se libère de la règle du consensus et qu’elle privilégie les questions précises et actuelles comme le commerce électronique.

 

Au tour du Sud

 

Lancé au lendemain des attaques du 11-Septembre, le cycle de Doha se voulait une main tendue aux pays en développement après plus d’un demi-siècle de libéralisation du commerce essentiellement axée sur les besoins des pays riches dans le cadre de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT en anglais), et après que les pays en développement eurent fait capoter la 3e conférence ministérielle de l’OMC à Seattle, aux États-Unis, en 1999. Aussi appelé le « programme de Doha pour le développement », il a rapidement rencontré de nombreux obstacles apparaissant d’autant plus infranchissables que l’OMC fonctionne selon la règle du consensus. Cette impasse dans l’approche multilatérale a ouvert la porte à une explosion d’ententes commerciales bilatérales et régionales, comme le récent Partenariat transpacifique, le projet d’entente de libre-échange entre les États-Unis et l’Europe ou l’Accord commercial et économique global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne.

 

« Les pays en développement ont très peur d’être encore laissés de côté par ce type d’accords, observe Geneviève Dufour, professeure à la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke qui était à Nairobi la semaine dernière, avec son collègue David Pavot.De plus, il est assez fort d’entendre aujourd’hui les pays riches se plaindre que rien n’avance dans le cycle de Doha, alors que c’est principalement leur faute. »

 

Et puis, ce n’est pas vrai que rien n’avance à l’OMC, dit-elle. À Nairobi, on a notamment convenu de l’élimination immédiate par les pays riches, et plus graduellement pour les pays en développement, de toutes les subventions à l’exportation dans le secteur agricole. Roberto Azevêdo a présenté cette avancée comme « la plus importante en matière agricole depuis 20 ans », alors que ce type de subventions était déjà fortement en perte de vitesse, contrairement aux barrières commerciales et aux subventions à la production intérieure.

 

Cinquante-trois pays, dont le Canada, ont aussi convenu d’ajouter les consoles de jeu vidéo, les radars, les simulateurs de vol et près de 200 autres produits des technologies de l’information et des communications à une liste de biens dont le commerce devra être libre de droits et qui représentent 10 % du commerce mondial.

 

Les pays les moins avancés ont aussi réalisé toutes sortes de gains à Nairobi en matière de règles d’origine, de commerce du coton et de services, que Roberto Azevêdo a qualifiés « d’historiques » et qui montrent qu’un certain esprit du cycle de Doha vit toujours, fait valoir Geneviève Dufour.

 

Il faut comprendre que les débats à l’OMC n’opposent pas seulement les pays riches aux pays pauvres, souligne David Pavot. « De plus en plus de pays en développement voudraient qu’on considère séparément les pays du BRIC [Brésil, Russie, Inde et Chine]parce que les intérêts de ces puissances émergentes ne sont souvent pas les mêmes que les leurs. »

 

À l’instar de son homologue américain, la nouvelle ministre canadienne du Commerce international, Chrystia Freeland, « a pressé les membres [de l’OMC] d’envisager de nouvelles approches pour les négociations […] et pour régler les nouvelles questions commerciales émergentes, y compris l’investissement, la politique de la concurrence et l’économie numérique. »

 

Éric Desrosiers

 

Avec l’Agence France-Presse

Source : http://www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/458595/commerce-international-le-cycle-de-doha-en-fin-de-vie