Depuis la nuit du 9 juillet 2024, le silence autour de la disparition des activistes Foniké Mengué et Billo Bah résonne comme une claque pour une société guinéenne déjà éprouvée. Ces figures de proue de l’activisme citoyen demeurent introuvables, et les regards accusateurs se tournent vers une équipe mixte de la gendarmerie et des Forces spéciales. Pourtant, dans une intervention remarquée, le ministre de la Justice, Yaya Kairaba Kaba, a nié toute implication des forces de défense et de sécurité dans ces enlèvements. Une déclaration qui soulève plus de questions qu’elle n’apporte de réponses.
Lors de son passage dans l’émission « On fait le point », le ministre a dépeint une situation glaçante : « C’est une nouvelle forme de criminalité qui, de façon récurrente, est en train de s’implanter dans notre pays. On a même du mal à qualifier les choses : enlèvement, disparition, disparition forcée… Ces phénomènes ébranlent les fondements de notre société. » Mais au-delà de ce constat, les affirmations de Yaya Kairaba Kaba sont loin d’être rassurantes.
Le ministre a rejeté les accusations qui mettent en cause les militaires, précisant que les enquêtes ont révélé l’existence de malfrats se faisant passer pour des soldats grâce à des uniformes similaires. Une justification qui peut difficilement apaiser les craintes des familles des disparus. S’agit-il de simples éléments criminels isolés ou d’un système organisé bénéficiant de complicités internes ? Yaya Kairaba Kaba a reconnu que certains de ces individus accédaient à des armes modernes par le biais de complicités au sein de l’armée. Mais alors, comment garantir l’intégrité des forces censées protéger la population ?
« Ce ne sont pas les militaires qui opèrent en tant que tels pour attaquer des familles ou enlever des personnes », a-t-il affirmé. Pourtant, l’ombre d’un doute persiste. Ces enlèvements, loin d’être des faits divers, incarnent une crise de confiance entre les citoyens et l’État. La parole du ministre, bien qu’officielle, semble peiner à convaincre une opinion publique de plus en plus inquiète et sceptique.
Dans ce contexte, la colère des familles des disparus et des organisations de la société civile monte. Elles exigent des actions concrètes et des réponses claires. Le ministre de la Justice, en brisant le silence, a ouvert la voie à un débat crucial. Mais sans avancées significatives dans les enquêtes et sans volonté politique forte pour mettre fin à ces pratiques alarmantes, ses paroles risquent de rester lettre morte. Ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement la justice pour FonikéMengué et Billo Bah, mais la crédibilité de tout un système.
Sibé Fofana