Le marché Kirotti, épicentre d’activités commerciales et sociales dans la commune de Lambayi, n’est plus que décombres. Ce lundi 22 décembre, sous l’œil incrédule des occupants, les bulldozers ont réduit en miettes les zones dites « de débauche » et les chambres de passage. Cette démolition, présentée comme une opération d’assainissement, laisse un goût amer et soulève des questions sur la gestion de ce site.
Un administrateur au cœur des critiques
Dans ce chaos, un nom revient avec insistance : celui de l’administrateur général du marché, connu sous le sobriquet de « Trois Pièces ». Les accusations pleuvent, dessinant le portrait d’un homme qui aurait tiré profit des lieux désormais détruits.
Mariame Oury Sow, l’une des nombreuses victimes de cette expulsion, dénonce un système lucratif et opaque : « Ici, c’est « Trois Pièces » qui posait problème. Il louait des chambres de passage à 35 000 GNF de l’heure et encaissait les revenus des magasins. Pour ouvrir une boutique, il fallait payer jusqu’à un million de GNF. » Cette gestion, qualifiée d’arbitraire par plusieurs occupants, suscite l’indignation, tout comme les promesses non tenues de stabilité.
Kamissa Touré, installée depuis plus de dix ans, exprime sa colère : « Nous avons payé pour rester, mais aujourd’hui, nous sommes chassés. L’administrateur nous avait assuré qu’il n’y aurait pas de déguerpissement. Nous vivons sans eau, sans douches, dans des conditions insalubres. »
Une expulsion sans préavis, des vies bouleversées
Pour beaucoup, comme Fatoumata Diallo, l’évacuation brutale a été un véritable choc. « Je vis ici depuis trois ans et je paie un loyer de 250 000 GNF. Ce matin, on nous a expulsés sans avertissement. Ils disent que nous sommes des délinquants, mais c’est faux. Nous réclamons des logements sociaux pour nous reconstruire. »
Ces témoignages mettent en lumière l’absence de mesures d’accompagnement pour des familles déjà fragilisées. L’image des ruines laissées par les machines contraste cruellement avec les attentes de ceux qui y vivaient et y travaillaient.
Une opération qui divise
Pendant que les victimes appellent à un sursis pour se réinstaller, les autorités semblent déterminées à poursuivre l’opération dans d’autres zones similaires. Le silence de l’administrateur général face aux accusations ajoute à la colère et à l’incompréhension des déplacés.
En toile de fond, cette démolition pose une question cruciale : à qui profite vraiment cette opération ? Si la lutte contre les pratiques illicites est nécessaire, elle ne doit pas se faire au détriment des plus vulnérables. L’absence de solutions de relogement et la brutalité de l’intervention témoignent d’une gestion qui manque de vision sociale.
FATIMATOU DIALLO