L’annonce de la gratuité des cartes d’identité biométriques par le gouvernement guinéen a fait l’effet d’une bombe. Présentée comme une avancée sociale majeure, cette décision divise pourtant l’opinion. Entre espoir d’inclusion et crainte d’un chaos administratif, la question mérite d’être posée : cette gratuité est-elle un véritable progrès ou une source de nouvelles frustrations ?
Une mesure sociale nécessaire
Dans un pays où l’obtention de documents administratifs relève souvent du parcours du combattant, offrir à tous un accès gratuit à la carte d’identité est une avancée louable. Pour les plus démunis, c’est un soulagement. Combien de citoyens, notamment en milieu rural, se sont vu refuser des services faute de papiers d’identité ? Combien d’enfants sont restés invisibles aux yeux de l’État par manque de moyens pour se faire enregistrer ? En ce sens, la mesure est indéniablement salutaire.
Une administration déjà sous pression
Mais à quel prix ? Derrière l’annonce, une autre réalité inquiète : celle d’un système administratif notoirement inefficace, gangréné par la lenteur et le manque de moyens. Lorsque l’on sait qu’obtenir un extrait de naissance ou une simple attestation peut prendre des mois, comment garantir que la gratuité ne transformera pas les mairies en véritables zones de chaos ? La bureaucratie guinéenne a-t-elle les ressources nécessaires pour absorber une demande massive sans sombrer dans l’anarchie ?
Une application encore floue
Autre inconnue : la mise en œuvre concrète de cette mesure. À ce jour, aucune directive claire n’a été communiquée, et le décret présidentiel censé en préciser les contours se fait attendre. Qui financera cette gratuité ? Quels dispositifs seront mis en place pour éviter les abus ? Autant de questions qui restent en suspens et qui nourrissent un scepticisme légitime.
Si l’intention est louable, le pari est risqué. Une réforme, aussi généreuse soit-elle, ne peut être efficace sans une planification rigoureuse. Or, en Guinée, les promesses se heurtent trop souvent aux dures réalités du terrain. Alors, révolution sociale ou futur fiasco ? L’avenir nous le dira.
Saliou Keita