Algassimou Diallo était l’invité de nos confère de la Radio lynx Fm ce lundi, 08 Juillet 2019. Dans cet entretien, cet expert polyvalent en développement parle des perspectives de développement de la Guinée et de l’actualité politique et sociale. Interview.
Bonjour M. Diallo ! Quel regard portez-vous sur le processus de développement de la Guinée de ces dix dernières années ?
Disons que ces dernières années notre processus de développement était ambitieux parce qu’avec l’engagement du président de la République avec son nouveau gouvernement à l’orée de son élection en 2010 avait des ambitions par rapport à la croissance, mais aussi et surtout au rattrapage du gap sociale, économique, surtout les infrastructures. Alors, dix ans nous sommes à une année à la fin de son mandat ; globalement il y a eu des ambitions mais par rapport à la faisabilité, par rapport à la réalisation de ses ambitions, aujourd’hui je considère que c’est un constat d’échec malheureusement. Aussi bien qu’au niveau des infrastructures qu’au niveau du développement économique et sociale
Personnellement, je ne vois pas beaucoup de valeurs ajoutées. J’ai l’impression d’ailleurs que la précarité s’est encore accentuée pendant ces dix ans et du point de vu des infrastructures même si on ne parle pas du développement de l’énergie. J’ai l’impression que c’est beaucoup plus d’argent qui ont été dépensés avec moins de réalisation.
Il y a eu quand même quelques investissements, vous avez invoqué les routés, les transports, il y a eu des investissements quand on voit aussi au niveau des infrastructures touristiques notamment hôtelières, il y a eu des investissements : l’énergie il y a de l’espoir avec Souapiti ?
Moi, je dirais qu’au vu des quantités de masse d’argent investis dans le secteur de l’énergie, pour le moment avec ce que j’ai vécu avec Kaléta, j’ai l’impression qu’il faut attendre voir l’électricité des autres barrages pour crier à la victoire, pour le moment je suis dans une posture de doute. Je me dis que les infrastructures réalisés dans le domaine de l’énergie, peut-être qu’il n’obéisse pas techniquement ce qu’il fallait à la Guinée mais aussi et surtout, j’ai eu l’impression qu’il y a eu de la surfacturation.
Au niveau des routes, vous êtes en train d’évoquer. Moi, je ne compare pas ce qu’on a réalisé ces dernières années par rapport à ce qu’on avait. Je voudrais surtout accentuer l’analyse par rapport au fait qu’aujourd’hui encore, en République de Guinée pour quitter la capitale pour aller par exemple à Kindia, en tout cas pour suivre la route principale Numéro un, on a tous les problèmes du monde.
Logiquement dans tous les pays de la sous-région, la capitale est reliée à la plus grande région à travers des autoroutes. En Guinée on ne l’a pas encore, on nous l’a promis plusieurs fois. Et je considère qu’en dehors de certaines routes, il faut les compter au nombre de bout des doigts. Il n’y a pas des infrastructures en Guinée ; non seulement les routes que nous avons, elles n’obéissent pas à la norme standard international, au-delà de ça, on n’en a pas suffisamment.
A mon avis l’idéal aurait été de calculer le nombre de km de l’autoroute bitumée qu’il y avait avant Alpha Condé et le comparer avec les réalisations qui ont été faites jusqu’à maintenant. Et n’oubliez pas que les infrastructures routières ne sont pas seulement les grandes voies qui relient les régions, c’est aussi et surtout les pistes rurales, parce que c’est à travers les pistes rurales qu’on achemine les productions agricoles.
Aujourd’hui pour quitter la forêt, 1000 km de Nzérékoré-Conakry, il faut faire 3 jours, c’est impensable pour un pays qui veut se développer parce que sans infrastructure routière, il n’y a pas de développement
Vous avez dit à l’entame, il y avait vraiment de l’ambition pour amorcer un développement de la part des autorités que ce soit le gouvernement ou le président Alpha Condé. Mais nous l’avons souvent entendu apporter des arguments concernant la mauvaise gouvernance ou ce qui a empêché le gouvernement à atteindre ses objectifs notamment avec les manifestations, avec Ebola, avec PPTE, il est toujours revenu sur ses raisons, à votre avis est-ce que ces raisons sont fondées ou bien les problèmes c’est ailleurs ?
Vous savez quand on est dans un processus de développement, il y a un moment une évaluation de risque, il y a une calamité qui peut se poser et peuvent entraver la réalisation des ambitions que nous avons en matière de gestion publique, ça c’est des choses sur lesquelles on est capable de d’anticiper. Aujourd’hui évoqué Ebola, évoqué les manifestations politiques pour justifier un peu le retard dans l’atteinte des objectifs que l’Etat s’était fixés, à mon avis ça relève d’une diversion parce que s’il y a eu des manifestations politiques, il faut se poser des questions pourquoi il y a eu des manifestations politiques.
A ce que je sache, les manifestations politiques ont été organisés dans le but de réclamer des élections locales, dans les buts de réclamer les élections législatives, et donc l’Etat se devait normalement s’il voulait réellement atteindre un développement, il savait que le développement passe d’abord par l’existence des institutions et s’il n’y a pas d’élus locaux, il n’y a pas de députés, je ne vois pas comment est-ce qu’on peut ambitionner le développement qu’on s’est fixé ?
Au-delà de ça, moi, je considère que les véritables entraves du développement en Guinée, il faut citer le numéro un, la corruption. La Guinée c’est l’un des pays le plus corrompu actuellement au monde, il n’y a pas un seul domaine en République de Guinée qui n’est pas victime de ce processus de corruption-là. La corruption en République de Guinée, c’est de la présidence au dernier citoyen.
Au-delà de la corruption, il faut citer l’incompétence de ceux-là qui administre la gestion publique, il y a aujourd’hui des ministres, il y a des hauts cadres dans cet Etat-là qui ne savent pas exactement avec précision ce qu’ils ont comme mission. Quand quelqu’un ne sait pas ce qu’il a à jouer comme mission, vous avez beau lui doté de l’argent et autres, il ne pourra jamais répondre aux aspirations du peuple
On l’a souvent chanté depuis l’école primaire, la Guinée immensément riche, mais qu’est ce qui indique ces indicateurs économiques et sociaux de la Guinée qui sont complètement en déphasage avec les richesses naturelles dont dispose le pays ?
Premièrement, je vais dire : c’est parce qu’en réalité ceux qui nous ont gouverné de 1958 jusqu’à maintenant n’ont pas fait le développement une priorité, s’ils avaient vraiment fait le développement une priorité, on aurait eu quand même un certain nombre d’indicateur qui aurait été à l’avantage du peuple de Guinée en terme de développement sociaux économiques et sociale.
Deuxième raison qu’il faut évoquer c’est qu’en réalité, on a oublié ce que c’est les priorités. C’est-à-dire qu’on est allé du coq à l’âne au lieu de savoir planifier et réaliser les actions de développement par exemple : en Guinée, en matière de développement, il faut faire dans un premier temps , le diagnostic du territoire, comprendre où il y a des gaps, comprendre quelles sont les opportunités d’abord qui existent au niveau endogène à partir duquel on peut se baser pour inverser les gaps, mais en Guinée, j’ai l’impression qu’on a toujours inversé les priorité, et on a jamais travail pour atteindre des objectifs.
Je vous donne un exemple : l’une des conditionnalités pour assoir une base de développement, c’est d’abord la démocratie. La démocratie officiellement nous l’avons obtenu dans les années 1992. De 1992 à maintenant, personnellement, je considère qu’on n’a jamais une élection libre et transparente. La deuxième chose : c’est qu’il faut avoir des institutions Républicaines fiables, jusqu’à maintenant peut être la seule Assemblée au temps d’El hadj Biro, je dis peut-être, vous savez que le parti au pouvoir était largement majoritaire, et que parfois les votes se faisaient non pas de manière objectif, mais de manière subjective. Au-delà de ça, le développement se fait à des échelons, c’est-à-dire qu’il faut gérer le développement local, et faire le développement local un levier pour le développement national.
En Guinée, on a voulu inverser la tendance en commençant par le développement National pour aller au niveau local ce qui fait qu’aujourd’hui peut-être que : Conakry, Labé, Kindia, Mamou et Kankan ont des infrastructures, mais à la base il n’a pas d’infrastructure. Et donc ça, ça en train de créer de gros problème ; Notamment l’exode rural parce que face aux déficits criards d’infrastructures mais aussi des services publics au niveau local, les gens sont en train de quitter les villages vers la ville.
Une synthèse d’Alpha Amadou Diallo