Khalifa Kassama Diaby, ancien ministre de l’Unité nationale et de la Citoyenneté était l’invité de la radio espace Fm, dans son émission ‘’ les grandes Gueules’’. Dans cet entretien Gassama a dressé un tableau sombre de la situation sociopolitique du pays...
Bonjours M. le ministre. Au regard de tout ce qui se passe, les crises institutionnelles, les crises politiques, les crises électorales qui s’enchainent et mêmes des crises sociales qui viennent de se greffer à cette situation, est-ce que vous avez l’impression d’avoir été écouté ?
« Je crois que je n’ai pas la prétention de m’estimer suffisamment important pour savoir si je dois être écouté ou pas, mais les Guinéens devraient eux être écoutés. Il suffit d’y prêter attention. Je voudrais dire que je suis triste pour ce pays. Je veux parler d’humanité, une vingtaine de nos concitoyens ont été assassinés dans ce pays.
Et pendant que ces corps étaient chauds, on assistait encore dans le pays et à travers tous les canaux de communications de façon indécente et honteuse des polémiques futiles. Alors je m’interroge, ce pays a-t-il perdu son humanité ? Ce pays a-t-il encore de l’honneur et de la dignité à défendre ou alors est-il plus important d’appartenir à un camp politique, de défendre une position politique, que défendre l’honneur et la dignité de ce pays ? Et par conséquent l’honneur et la dignité des filles et des fils de ce pays ?
Ce qui nous caractérise, c’est notre humanité. Tout ce que nous faisons aujourd’hui est censé être fait pour garantir à chaque Guinée et chaque guinéenne la possibilité de voir son honneur et sa dignité préservé, et ce n’est plus le cas, ce n’est pas le cas et c’est triste pour ce pays. Plus d’empathie, plus de fraternité, plus d’humanité.
En fait il faut faire très attention, je crois que de très nombreux Guinéens de toute part, on a décidé de renoncer à leur devoir citoyen pour abandonner ce pays entre les
mains des militants. On a l’impression qu’en Guinée, on attend que des militants. La république des citoyens a cédé sa place à la république des militants. Pour ce qui est des crises, je crois qu’il y a une règle universelle qui commence déjà dans la cellule familiale, partout où il y a deux êtres humains pour garantir la sérénité de la cohabitation, il n’y a qu’une seule et unique règle à respecter, c’est le respect des normes et des principes fixés.
Ce pays depuis toujours a décidé de tout faire sauf respecter ce qui est prévu, sauf respecter les lois de la république. A partir du moment où ceux qui étaient censés guider chacun de nous, faits et gestes de nos actes, ne respectent, il n’est pas étonnant qu’on assiste à cette multitude de crise dans notre pays. Lorsqu’il y a crise, c’est comme un peu dans un corps humain, lorsque vous avez de fièvres, c’est qu’il y a quelque chose qui ne fonctionnement pas dans le corps. Alors les crises dans notre pays sont l’expression du fait que ce pays s’est installé dans l’anormalité, l’illégalité.
Il faut d’abord rappeler aux Guinée que la nation c’est essentiellement le dynamique de la volonté. Et chez nous comment cela se passe, c’est qu’on a l’impression que la Guinée est le seul pays sur terre où il y a une diversité identitaire. Les autres pays qui ont réussi à construire un ensemble social, politique, harmonieux, respectueux, fraternel l’ont fait parce qu’ils l’ont voulu. Et quand-ils l’ont voulu, ils se sont donnés les moyens d’y parvenir et un des moyens le plus efficace d’y parvenir c’est le contrat social et ce contrat social c’est un ensemble des règles et des valeurs qui s’imposent et aux gouvernants et aux gouverner.
Manifestement ce n’est pas le cas dans ce pays parce qu’on a décidé de faire de ce pays un environnement de chienlit.
Nous sommes dans un théâtre funeste, un peuple qui n’accepte pas les règles démocratiques, une gouvernance qui n’accepte pas les règles démocratiques et qui se renvoient les uns aux autres dans un théâtre fumant, parce que ce jeu funeste, il y a des vies humaines, des souffrances sociales, des souffrances économiques. Si nous voulons la démocratie, les règles sont connues et parmi ces règles il y a les principes de l’Etat de droit. Parmi ces règles, il y a la justice, il y a la sacralité de dignité de l’être humain que vous l’aimiez ou pas. Parmi ces droits il y a les respects des droits et des libertés des personnes humaines mais aussi des citoyens.
Et si nous décidons en Guinée que les règles ne valent que parce qu’elles bénéficient aux gens qu’on aime, aux gens qu’on apprécie, aux gens qui sont d’accord avec nous, on est dans tout en Guinée sauf dans la démocratie.
Je reviens sur un point essentiel et nous sommes à ce point aujourd’hui.
Dans ce pays, je vais vous donner mes sentiments les plus profonds : ce pays aujourd’hui, avec tous ces dégâts, tous ces désastres, tous ces drames humains, les humiliations, les frustrations, les blessures, les assassinats, les exécutions, les expéditions punitives, l’état de la société Guinéenne, du pacte national, du contrat social, ce pays a besoin de tout aujourd’hui sauf parler d’élection.
La Guinée va mal et ne pas s’en rendre compte, c’est trahir ce que nos devanciers ont fait pour ce pays. Je vais rappeler que ce pays a figuré parmi ces premiers qui se sont rendu compte de la sacralité de la liberté et de la dignité. Nous avons dit : nous sommes un peuple digne et nous voulons notre liberté. Il faudrait si nous voulons que le monde nous respecte que nous renvoyons à ce monde cette fierté,
Vous entendez les gens dire : « Je suis fière de la Guinée ou j’aime la Guinée ». La Guinée n’a pas d’âme en dehors l’âme de ses filles et de ses fils. Si vous aimez la Guinée, vous devez aimer vos compatriotes et les autres Guinéens.
Cette question électorale, je reviens là-dessus, elle est simple ou nous continuons à faire semblant d’organiser des élections sur un cadavre social qui se meurt chaque jour. Nous savons très bien comment ça se passe.
Avant les élections, on ne s’entend pas sur les règles. Pendant les élections, les règles ne sont pas respectées, les résultats ne sont pas admis et on recommence les jeux à zéro. Pendant ce temps, vous avez un peuple en souffrance qui peine à se nourrir qui peine à jouir pleinement sans risque de ses libertés et qui peine à jouir de la justice.
Pendant ce temps, nous faisons semblant il faut que cela soit su et dit. Les acteurs politiques, l’Etat, le gouvernement peuvent dire et pensez ce qu’ils veulent. On est arrivé à un point où l’élection n’est plus la porte de solution de ce pays.
Il faut que les Guinéens redéfinissent leur pacte national, le social, et qu’on rende justice aux victimes pour qu’il n’ait plus un seul qui se sente dans son coin humilier, frustrer parce qu’il a été touché dans son honneur, dans sa dignité. L’élection c’est la fin d’un processus, ce n’est pas le commencement d’un processus. On a appris dans ce pays à mettre les cadavres sous le tapis et à nous organiser une théâtralité électorale qui ne sert absolument à rien, c’est une machine Afrique. Aujourd’hui si on veut sauver ce pays, il faut tout mettre sur la table et rendre juste aux gens ».
Une synthèse d’Alpha Amadou Diallo.