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A l’occasion de la 60ème anniversaire de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), crée le 25 mai 1963 à Addis-Abeba (Ethiopie), l’ex-président de l’UDD, Bah Oury était l’invité de nos confrères d’Espace Fm, le lundi dernier, pour débattre des problématiques qui assaillent cette institution, depuis un demi-siècle et qui peine atteindre les objectifs fixés par les pères fondateurs, notamment le développement sociopolitique. Lisez !

Bonjour M. Bah,  un regard général sur l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) à l’époque il y a à peu près 60 ans maintenant. L’OUA est un rêve manqué qui n’est pas parvenu à bout ?

C’est difficile de le dire vous savez, mais permettez-moi de rendre hommage à un grand ambassadeur de la culture guinéenne qui a permis de connaitre le nom de la Guinée de manière positive un peu partout à travers le monde, il s’agit du feu notre musicien Mory Kanté, paix à son âme ! C’est par la culture que très souvent, les unités, les frontières disparaissent et de ce point de vu, il a fait une œuvre utile dans le cadre de ce que nous sommes en train de discuter aujourd’hui.

Pour en revenir au sujet également : Le premier secrétaire général de l’organisation de l’unité africaine, c’est un de nos compatriotes ‘’feu’’ Diallo Telly, c’est l’occasion également de rendre hommage à tous ses prédécesseurs qui se sont battus pour une idée, pour une idéale de construire l’unité du continent dans un contexte où les expériences étaient très embryonnaires.

Et la décolonisation était très loin de finir et je pense que c’est la question de la colonisation qui a été encore un sujet extrêmement important qui a empêché de manière beaucoup plus raisonnable et rationnel que l’unité du continent puisse être envisagée de manière beaucoup plus pragmatique en 1963 ; maintenant par la suite, l’OUA a fait ce qu’elle avait à faire dans la commission de décolonisation.

Rappelons que la Guinée avait joué un rôle très important dans la construction de cette dynamique de libération des pays qui étaient encore sous domination : soit lusophone, soit de l’apartheid. Donc l’OUA, on ne peut pas dire qu’elle n’a pas rempli sa mission, mais une étape est franchie et aujourd’hui il nous reste encore beaucoup de sentiers avec des risques nouveaux, avec de changement de paradigme, avec des Etats qui étaient naissants en 63, mais qui deviennent complètement obsolètes, et complètement en déphasages avec les intérêts de leurs pays et de leurs peuples aujourd’hui, d’où la nécessité de repenser l’unité du continent de manière plus pragmatique.

On peut dire aujourd’hui que les pères fondateurs avaient beaucoup de visions. Ils étaient beaucoup plus attachés à cette organisation finalement les héritiers puisque depuis qu’on ait passé de l’OUA en 1963 à l’union africaine (UA) en 2002, il y a comme un changement réel, il n’y a plus cette affirmation de l’identité africaine sur tous les plans comme on nous l’avait enseigné au tout début ?

Il faut reconnaitre que les pères fondateurs avaient l’ère beaucoup plus attachés à la cause de leur peuple, à la cause de l’affirmation du continent et de l’homme noir en général, nos héritiers ont été beaucoup plus ou moins affairistes, beaucoup plus intéressés aux prestiges. Il y a un déphasage remarquable.

On aimerait bien vous entendre sur ce que vous êtes en train de dire : les héritiers sont révélés un peu plus intéresser et attacher à tout ce qui est forme. Est-ce que

finalement ce n’est pas dû au fait que le contexte africain lui-même est mutant, dans le contexte de la création de l’organisation de l’unité africaine vous-même vous le dites, il y avait le besoin de sortir de la colonisation, de s’affirmer en tant qu’Etat. Aujourd’hui cette forme de colonisation semble exister toujours d’après plusieurs théoriciens, sous forme politique, sous forme d’influence diplomatique, sous forme d’influence et même économique, ce n’est pas tout ça qui conditionne l’attitude et les lignes tenues par plusieurs africains aujourd’hui autrement changer de paradigme ? 

Bien entendu, vous savez au début c’est vrai, il y a eu besoin d’affirmation d’Etat nation, qui, par la suite se sont consolidés avec maintenant en termes de système économique, le courant d’échanges commerciaux n’avait pas changé donc dans une large mesure, les circuits existants durant la colonisation ont continué à durer pendant la période d’indépendance et de ce fait les circuits commerciaux entre les Etats africains ne se sont pas développés. C’est toujours des Etats plus ou moins rangé qui développent de matières brutes et qui sont traités ailleurs.

Ce qui fait que le besoin d’unité, le besoin de renforcer une intégration économique n’a pas été développé, ce qui fait que les Etats ont été plus ou moins Balkanisés, incapable d’avoir une vision propre pour aller de l’avant.

Les circuits financiers se sont développés dans le désordre, parce que l’Afrique a fait l’objet de beaucoup de convoitises mais aussi de beaucoup d’apports financiers aujourd’hui. Finalement on tendra cette unité quand il y a le relent souverainiste qui persiste sur le continent, chacun veut préserver sa chapelle au détriment de l’autre, veut-on vraiment de cette union africaine ? Aller jusqu’à l’effacement des frontières physiques ?

Ce que vous dites est vrai parce que dans une certaine mesure, les élites qui ont pris le pouvoir se sont beaucoup plus intéressées à leur propre intérêt que de l’intérêt collectif. Le circuit économique mise en place confortait cette situation, ce qui fait que c’est vrai ce que vous dites. Là où il y a des matières premières, il y a des guerres, il y a de scissions, le Soudan est divisé en deux. Là où il y a de ressources extrêmement importants,…l’Etat du RDC est incapable d’avoir une stabilité depuis l’indépendance pour pouvoir se construire de manière moderne etc…  Il y a beaucoup d’obstacles internes, mais je dois dire, il ne faut pas renvoyer la pierre à l’autre en disant la faute aux autres.

Nos élites, nous-mêmes nous sommes responsables des situations qui arrivent au continent aujourd’hui. Nous ne devons pas dire que c’est toujours c’est la faute aux autres, par exemple : les Etats du Sud-ouest Asiatiques qui étaient dans une situation comparable en 1960 comme la Corée du Sud, leurs intelligences collectives, leurs volontés de se dépasser les ont amenés notamment la Corée du Sud à être une puissance économique majeur.  Donc, nous devons se rendre compte que nous sommes en tant qu’Africain responsable principalement du devenir du contient et de ce point de vu, ce n’est pas reluisant.

 

M. Bah la question c’est comment redonner du sang nouveau à l’union africain : c’est-à-dire quand on fait un peu de recul, on se rend compte que les pères fondateurs ont mieux joué leur rôle que ceux qui les ont après succédés. Comment amener l’union Africain à ne pas être un simple club de nouveaux chefs d’Etats qui a l’ambition de s’accrocher au pouvoir. Comment amener tout cela à disparaitre petit à petit ? Et puis après comment amener le continent à être souverain véritablement, le cas de la Libye montre encore que la souveraineté de l’Afrique n’est pas pour demain, la Libye a connu beaucoup plus de mort, sans Kadhafi qu’avec Kadhafi, comment mettre fin à tout cela ?

Par rapport à votre 1ère question, c’est extrêmement important ; comment faire parvenir à faire évoluer les choses, il faut qu’il ait une convergence sur le plan politique par exemple : au niveau de la CEDEAO, l’une des organisations de la région qui semble plus avancé que d’autres, il doit y avoir une fermeté absolue de respecter les règles et les principes qui ont été ratifiés par les uns et par les autres. Et de ce point de vu la question de la gouvernance, c’est le principal facteur des crises et des déstabilisations. Donc, il faut que les Etats dans les régions soient stricts et qu’ils ne puissent pas permettre que quelques individus puissent se permettre de s’accaparer de leur pays, de considérer le pays comme une propriété privée. Il y a une coresponsabilité de telle sorte que si un pays est instable, ça rejailli sur l’ensemble de la sous-région et de ce point de vue, il ne faut pas dire la souveraineté de l’Etat nous permet de faire ce que nous voulons dans notre pays, non !

Lorsque vous mettez en danger les régions, les autres ont le droit de se protéger en vous remmenant à l’ordre parce que vous avez signé des textes, vous les avez ratifiés et de ce point de vue, il faut qu’il ait une fermeté et une détermination absolue pour faire respecter ce qui était contracté avec l’aval des populations, ça , c’est la première règle parce que ça permet de remettre de l’ordre, de remettre de la discipline parce que cette question… de pouvoir est le principale facteur qui nous retarde, qui crée des guerres civiles, qui oblige des populations à s’entredéchirer pour des intérêts mesquins qui ne concerne que quelques-uns.

Il faut que l’Afrique fasse le ménage de ce côté-là et à partir de là, les questions de projets de sociétés : quelle culture ? Quelle science ? Quelle éducation ? Comment développez des infrastructures comme le NEPAD l’avait lancé devrait être beaucoup plus en phase avec les réalités du monde d’aujourd’hui. Regardez la question de la défense, nous ne pouvons pas nous permettre comme les pères fondateurs l’avaient déclaré d’avoir des armées nationales un peu partout.

Les situations de crise et les risques que nous connaissons aujourd’hui ne concernent pas la frontière du moins ça concerne quelque chose d’asymétrique qui nécessite la convergence, une unité de défense commune pour faire face à ses menaces, donc il faut changer la manière de faire, il faut changer le paradigme, et là, il faut un nouveau leadership. Je salue que dans le continent des nouveaux leaderships qui émergent par exemple : le premier Ministre d’Ethiopie ABIE Ahmed incarne un nouveau leadership qui devrait rayonner sur l’ensemble du continent.

Paul Kagamé à sa manière incarne un nouveau type de leadership. J’espère que la Guinée dans peu de temps va reprendre sa place dans les pays qui font émerger de nouveaux leaderships sur le plan régional et sur le plan continental.

 

Alors parmi ces défis vous avez un peu parlé sur le défi sécuritaire, je voudrais qu’on revienne un peu. Aujourd’hui le défi sécuritaire ? aujourd’hui on sait qu’il y a cette menace terrorisme qui plane sur le continent aussi bien ici en Afrique de l’ouest mais également au niveau des pays de grand-lacs ; il y a toute fois ces velléités de groupuscules qui essayent de mettre en danger la sécurité et la quiétude des Etats, mais il se trouve que dans la réponse à ces défis sécuritaires, on a toujours l’impression que nos Etats attendent que l’Union Européenne ou les Etats unis viennent ; non seulement au secoure mais propose le plan c’est-à-dire le projet même de sortie de crise. Qu’est-ce qui ne marche pas à votre avis ?

Je vais être très simpliste, la plupart des dirigeants ne s’intéressent qu’à ce qui restera dans leur poche après une opération ou un projet. Ce qui me motive le plus, c’est qu’est-ce qui va rester en termes d’intérêt personnel par rapport à tel catastrophe, par rapport à telle situation. Regardez dans un pays voisin que je ne nommerai pas, la question de l’armée de ce pays pose des problèmes parce qu’au lieu d’investir dans les équipements militaires très souvent il y a une armada militaire qui s’intéresse beaucoup plus à ses s’intérêts et le pays est devenu maintenant le vendre mou de l’Afrique de l’Ouest, l’un des Etats les plus menacés de la sous-région.

 

Vous faites bien de dire que c’est une explication simpliste, est-ce que ce n’est pas une erreur. Je vous amène à réagir à cet élément-là, l’exemple du Sahel, cinq Etat qui font face à une crise sécuritaire qui date de plusieurs années en présence : vous avez la CEDEAO, la force d’interposition du sahel donc la force du G5, mais par le même moment vous avez les forces africaines en attente qui est là et l’union africaine qui est de l’autre côté. Donc le problème aujourd’hui est-ce que finalement ce n’est pas désarticulation, est-ce que finalement l’organisation ne manque pas de maillons, ce qui revient à dire que l’institution est un gros éléphant sans poids ?

Ce que vous dites est vrai, mais la réalité est une chose. Lorsque vous n’avez pas la politique de vos moyens vous êtes obligé d’être suivi. Et  jusqu’à présent, le financement de l’union africaine est donné par l’union Européenne ce qui fait que la force d’attente de l’union africaine ne peut pas être opérationnelle sans l’aval et les aides de l’union européenne ou d’autres puissances, c’est qui limite les capacités d’actions.

 

Il y a eu par exemple quelques idées qui ont été émises par certains chefs d’Etats notamment par Paul Kagamé sur des ponctions qui auraient pu être prélevé notamment sur l’exportation des produits de matières premières qui sortent du continent. Peut-être que si l’Afrique a la volonté, elle pourrait ne pas attendre l’aide de l’union Européenne par exemple pour son fonctionnement, parce que ce ne sont pas quand mêmes les matières premières qui manquent, ce ne sont pas les richesses qui manquent sur le continent ?

C’est vrai le président Kagamé en a fait sa proposition forte pour doter l’institution panafricaine de ces moyens mais il y a beaucoup qui trainent le pas parce que ça ne les intéresse pas parce que ça les obligerait à faire en partie leur « souveraineté » en ce qui concerne les richesses de leurs pays. Et vous savez très souvent ; malheureusement ce qui intéresse le plus grand nombre semble ne pas faire la préoccupation de quelques-uns qui ne s’intéressent que ce qui leur donne un plus grand prestige, plus de pouvoir, de privilèges, d’honneur et malgré la situation de leur population.

Il est important d’avoir les moyens de sa politique, il est important d’avoir un centre d’intérêt, des politiques nationales soit la résolution des problèmes des citoyens. Si on a ça, comme moteur, on verra nécessairement le chemin de l’unité des régions. Je prends l’exemple en ce qui nous concerne, les mines de fer au Sud de notre pays, il y a des possibilités qui existent d’avoir une cogestion, une coexploitation entre le Libéria, la Côte d’Ivoire et la Guinée des mines de fer dans cette région qui ne consistera pas à être simplement une exploitation brute mais aller plus en avant dans la mise en place d’industrie sidérurgique.

La Guinée seul peut ne pas avoir ces moyens mais la combinaison des trois pays, intérêt oblige peut nous permettre d’aller de l’avant, c’est comme ça que l’Allemagne et la France ont fait la paix à travers la houille de la région….Nous aussi nous devons avoir des ambitions, nous devons avoir des politiques concrètes pour permette de sceller dans la durée …

Avec la volonté politique et l’intelligence collective et les sentiments des populations, ça va dans des intérêts à moyen et long termes, les possibilités sont offertes. A l’heure actuelle pour être beaucoup plus pragmatiques, il faut libérer la circulation des capitaux. Si un sud-africain veut investir en Guinée, il a les capitaux il ne faudrait qu’il y ait obstacle à ce qu’il puisse investir dans notre pays. Il faut développer ce genre de mécanisme, la circulation des biens, circulation des personnes, circulation des capitaux et à partir de là, on crée effectivement les bases de l’unité soit de la région, soit du continent

Et c’est avec ça que des grands groupes vont émerger, des groupes multinationaux et Africain qui pourrons compétir à arme égale avec d’autres structures multinationales de par le monde, c’est comme ça que l’unité peut se créer mais par des incantations.

 

Il y a des projets comme ça qui sont presque mort-né, ça me rappelle un peu air Afrique ou on a tenté d’avoir des ailles communes pour le continent mais ça n’a pas marché mais il y a quand mêmes des observateurs qui estiment que le salue du continent viendra de ces dirigeants, nés après l’indépendance, est-ce que vous pensez que c’est un problème générationnel ?

Il y a la génération parce que nous venons de loin, nous avons des expériences des brillants…, ceux qui ont accumulés certains expériences sont obligés d’être beaucoup plus pragmatiques.

La situation objective actuelle nous oblige à avoir des solutions durables pour nos pays et pour nos peuples. Il y a beaucoup de schémas traditionnels et obsolètes qu’il faudrait rejeter de loin fondamentalement comme on dit : changer fondamentalement de paradigme et ça c’est avec un nouveau leadership que cela pourra émerger.

Les nouveaux leaderships seront beaucoup plus concrets, beaucoup plus tournés vers des réalisations économiques à travers des projets qui puissent plonger le continent africain dans le prochain siècle, dans quelques années nous serons le continent le plus peuplé du monde.

Nous sommes condamnés à trouver de solutions pour accueillir les milliards des jeunes africains qui vont venir dans les prochaines années. Le Japon fait la même chose, c’était un pays arriéré en 1859, ils se sont dit : il faut que nous nous donnions les moyens pour assurer notre indépendance, notre capacité économique et autres, il faut copier le monde, ils sont devenus forts. La Chine de même, nous aussi nous pouvons le faire.

Transcrit par Alpha Amadou Diallo