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Le directeur de publication de L’Indépendant-Le Démocrate, Mamadou Dian Baldé a consacré sa chronique de ce  dimanche au bilan des 100 jours du Dr Kassory Fofana, en tant que Premier ministre chef du gouvernement. Bilan bien peu reluisant, quand on sait que Kassory est en train de s’inscrire dans la continuité de la feuille de route controversée du chef de l’Etat, sans aucune volonté d’innover. 

Cette chronique vous est  servie tous les dimanches sur City fm, en avant-première de l’émission « A vous de convaincre ».   

Talibé Barry: Bonjour Mamadou Dian, dans votre chronique de ce dimanche, que vous intitulez « la tyrannie du statu quo », vous trouvez que le bilan des 100 jours du Premier ministre est tout sauf reluisant ?   

Mamadou Dian Baldé : Le bilan des 100 jours du Premier ministre  Dr Ibrahima Kassory Fofana est bien peu reluisant. Le constat est quasi unanime là-dessus. Il suffit de parcourir les différents panels réalisés par les médias, pour la circonstance, pour se rendre à l’évidence. Et on voit bien compte que, entre les promesses et la réalité du terrain, il y a loin de la coupe aux lèvres.

Ce n’est pour le moment pas l’Olympe, comme certains s’y attendaient, avec la nomination de Kassory Fofana. Car au lieu de renverser la table, le chef du gouvernement a l’air plutôt de se complaire dans « la tyrannie du statu quo » qui prévaut dans la cité.

Malgré un passé qui n’était pas de nature à plaider en sa faveur, Dr Kassory Fofana a  réussi,  en faisant des ronds de jambe, à se faire nommer au poste de Premier ministre. Cette nomination survenue le 24 mai, avait curieusement suscité de l’espoir, même chez certains opposants au régime. Qui lui ont tressé des lauriers, avec la foi du charbonnier. 

Kassory Fofana avait surtout réussi à séduire par son discours, dont le fil rouge portait sur la lutte contre la corruption et la moralisation de l’administration publique. Ce n’est nullement étonnant qu’un tel discours fasse recette, dans un pays où la course effrénée à l’enrichissement illicite est une réalité qui crève les yeux. Car pour ceux qui nous gouvernent, tous les moyens sont bons pour s’en mettre plein les poches.

Le nouveau Premier ministre s’était donc fixé le lourd défi de sortir des sentiers battus, en passant à la trappe les prédateurs de notre économie. 

Il n’avait pas manqué de mesurer l’étendue du mal que constitue le fléau de la corruption qui gangrène l’administration publique, dans sa déclaration de politique générale, faite devant les honorables députés le 27 juin. En s’inspirant du rapport 2017 de l’Agence Nationale de Lutte contre la Corruption, qui estime ‘’le volume des pots de vin pour la Guinée à 600 milliards de francs guinéens, en moyenne chaque année.’’

Kassory avait reconnu qu’il ‘’ne saurait y avoir de développement économique viable sans une lutte conséquente contre la corruption.’’

Il avait dans la foulée, promis de placer au centre de l’action gouvernementale ‘’la lutte contre la corruption pour traduire dans la réalité la vision du Chef de l’État pour une gestion parcimonieuse des finances publiques, de façon à investir plus efficacement dans l’amélioration des conditions de vie des populations.’’

Mais fort malheureusement, les 100 premiers jours du Dr Kassory Fofana n’ont été consacrés qu’à de la rhétorique. Les actions s’étant limitées simplement à l’interpellation des directeurs de l’Ogp et l’Ogc pour corruption. Ces deux cadres bien que n’étant pas au-dessus de tout soupçon, constituent cependant du menu fretin dans cet océan de « prédateurs ». 

A l’allure où vont les choses, on ne peut se perdre en conjecture sur ce que fera le Premier ministre pour laver les écuries d’Augias. 

D’autant que l’opinion a été désabusée depuis la condamnation récente de Mariama Camara, ministre de l’Agriculture, à 20 mois de prison avec sursis, 12.000 euros d’amende et à la confiscation de 300.000 euros par la justice belge, pour des faits de corruption. Dans une affaire où apparaît le nom de Kassory Fofana.

Le gouvernement guinéen a préféré se tirer de cet embarras, qui a pourtant choqué les Guinéens, par une pantalonnade. Que d’en tirer toutes les conséquences qui s’imposent en pareils cas, dans un pays qui se veut sérieux. 

On est en droit de reconnaître que les vieilles habitudes ont la vie dure en Guinée. Et que ce n’est pas par un simple coup de baguette magique qu’on parviendra à changer les mauvaises mœurs. Surtout quand ceux qui sont chargés de conduire les affaires de l’État manquent de volonté. 

La politique du coup de menton

Vous déplorez le fait que le Dr Kassory Fofana adopte l’attitude du président de la République, consistant à proférer perpétuellement des attaques verbales contre l’opposition et la société civile, chose que ses prédécesseurs ne faisaient pourtant pas?   

La seule chose que le Premier ministre a réussi, durant les 100 jours, c’est d’imposer de but en blanc, un nouveau fardeau aux populations, en révisant à la hausse les prix des carburants à la pompe. La mobilisation de la société civile et du mouvement syndical contre cette augmentation des prix, n’a pas fait reculer le gouvernement. 

Le Premier ministre a plutôt  fait preuve de fermeté dans cette épreuve de force engagée avec les forces sociales. En multipliant les discours au ton impérieux. Du genre : « mon gouvernement sera sans merci contre les fauteurs de troubles…L’Etat de droit, le respect dû aux institutions notamment à la première institution du pays, sera de mise».

Ou « j’invite le monde syndical à se reformer. Il aura tout l’appui du gouvernement dans cette réforme… »

L’opposition est aussi devenue la tête de turc du Premier ministre. Il est vrai que le chef inspire souvent ses subordonnés. Dr Kassory a donc profité de son séjour en Haute Guinée, pour tancer Cellou Dalein et ses pairs. Les accusant de tous les péchés d’Israël. 

Pendant qu’il exaltait au même moment le président de la République, qui selon lui, a réussi en 7 ans, ce que ses opposants n’ont pas pu faire en  40 ans pour la Guinée.

Le Premier ministre qui a affrété un jet pour faire le voyage de Kankan, où il devait présider la « mamaya », danse traditionnelle bien prisée dans le mandingue, à la faveur de la célébration de l’Aïd-el-kébir, a saisi cette opportunité pour livrer un discours de campagne.

C’est sans doute, pour éviter de prendre la même  déculottée que lors des élections locales du 04 février, que le pouvoir exécutif veut anticiper. Dr Kassory a invité à cette occasion les populations de la Haute Guinée, à ‘’la vigilance et à une parfaite mobilisation pour les futures élections législatives’’.

Pour le Premier ministre, il faudra coûte que coûte barrer la route à l’opposition, pour ne pas qu’elle ‘’nuise’’ à la majorité présidentielle, lors de la prochaine législature.

On n’est donc pas sorti de l’auberge, car avec Kassory c’est bien la politique du coup de menton, depuis son arrivée au palais de la colombe. 

Drôle de cacophonie autour de la mairie de Kindia

Vous jetez pour finir,  un regard sur la cacophonie qui règne sur la gestion de la mairie de Kindia, où des discours teintés de haine risquent, à votre avis  d’entamer  la quiétude sociale?   

A Kindia, l’attribution du poste de maire à l’Ufdg semble avoir réveillé les vieux démons de la division. Cela a donné lieu à des discours homophobes qui sont de nature à compromettre la paix et la quiétude dans cette cité, pourtant si fière de sa mosaïque ethnique et culturelle.

   Il faut reconnaître que la politique iconoclaste d’Abdoulaye Bah, tête de liste de l’Union des forces démocratiques de Guinée (Ufdg), pour le compte de la mairie de Kindia, fait des mécontents, y compris dans le « clergé ». 

D’où ces cris d’orfraie qu’on entend de plus en plus dans la cité des agrumes, depuis la signature de l’accord qui ouvre la voie de la mairie à l’Ufdg.

Il y a eu tout d’abord cette sortie malencontreuse de l’imam de la mosquée centrale de la ville, elhadj Mamoudou Camara. Qui a lancé « une fatwa », en incitant ses fidèles à ne pas accepter à la tête de la mairie de Kindia, un autre élu qui ne soit pas un fils de la Basse Guinée. Avant de se rétracter, face au tollé suscité par son discours.

Puis ce fut le tour du Kountigui, chef traditionnel de la Basse Guinée, elhadj Sékhouna Soumah, de joindre sa voix à la contestation de l’accord qui cède le fauteuil de l’édile de Kindia à Abdoulaye Bah.

Accusé d’être un homme rigide, très à cheval sur les principes de bonne gouvernance, l’ancien chef de la délégation spéciale, serait la bête noire, dit-on, des groupes d’intérêt constitués autour de la manne que génère la préfecture de Kindia, à travers ses ressources minières.

Abdoulaye Bah qui n’a pas l’air d’être en sucre, bénéficie également du soutien de son parti, dans ce nouveau bras de fer entre le parti au pouvoir et l’opposition républicaine. 

La leçon à tirer de cette cacophonie autour de la mairie de Kindia démontre encore une fois, que le changement de paradigme que veut imposer l’édile de la ville de Kindia ne se fera pas sans accroc. Il doit s’attendre à essuyer les dernières salves des partisans du statu quo, et dieu seul sait qu’ils sont nombreux dans notre pays. 

Enfin, je dirai qu’il  serait de bon aloi pour le nouveau maire de savoir composer avec les populations de sa localité, en ménageant les susceptibilités exprimées.      

Mamadou Dian Baldé 

622269599