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Dans cet entretien qu’il a accordé à notre envoyé spécial depuis le Maroc, le Directeur pour l’Afrique du cabinet Access Partenership qui est un cabinet de conseil en matière de télécom et des nouvelles technologies, parle de l’évolution de la technologie en Afrique. Pour le Dr Abdou Khadre Lo les nouvelles technologies est un formidable outil pour combler le gap qui sépare l’Afrique des pays développés. C’est pourquoi, Dr Lo invite les dirigeants africains à la volonté politique. Car souligne-t-il « les pays qui ont envie d’avancer, il y arrive ».

Alors nous sortons de la deuxième édition ‘’CYFY Africa’’, qu’est-ce qu’on peut retenir de cette rencontre?

J’ai eu la chance de participer à la première édition l’année dernière. Donc, il y a eu pas mal d’amélioration par rapport à l’année dernière et surtout les thématiques qui sont abordées sont actuelles et importantes. On traite de la collectivité en Afrique, comment bénéficier des nouvelles technologies, comment faire face à la cybercriminalité, la cyberattaque, la régulation de ces nouvelles technologies, l’internet. Donc, comment l’Afrique peut profiter de tout cela, prendre le lead, aider sa jeunesse à en profiter, comment l’Afrique peut grandir, son chiffre d’affaire ou sa participation dans le monde numérique, comment elle peut tirer bénéfice du monde numérique comme le font les autres continents notamment l’Amérique, l’Europe et l’Asie.

Alors aujourd’hui quel regard portez-vous sur la place de la technologie en Afrique ?

On a un gros souci en Afrique de plusieurs barrières. La première ce sont les infrastructures qui ne sont pas déployées sur le continent. Parce que le gros des infrastructures est consacré dans les centres urbains, dans les grandes villes. Vous allez en Guinée à Conakry, vous allez avoir une bonne connexion une bonne couverture net, mais vous allez peut-être dans N’Zérékoré ou bien à Labé peut-être que ce n’est pas la même connexion. Parce que tout simplement les opérateurs ne veulent déployer une infrastructure extrêmement couteuse dans les zones rurales ou reculer ou il n’y a pas assez de demande. Ce qui fait que ces  zones-là sont laissées pour compte. Et c’est à nos Etats de s’assurer que tous les citoyens soient mis sur les même pieds d’égalité, aussi bien que ceux qui sont dans les villes que ceux qui sont dans les zones les plus reculées, les technologies existes pour combler ce gap-là.

Les satellites peuvent couvrir les zones les plus reculés. Et Il y a les technologies émergentes comme les stations solaires totalement autonomes qui sont en altitude, qui peuvent arroser un rayon de 100 km en internet haut débit. Ça sera très bientôt en service.

Avec un poste de télévision dans le village le plus reculé de Guinée, il y a peut-être un poste de gendarmerie, une école, une infirmerie, un dispensaire, le responsable de ce poste-là a un poste télé, avec lequel on peut connecter tout le village à l’internet. Donc, il y a des solutions qui existent. Mais ce qui se passe ce que malheureusement la répartition des technologies n’est pas égale, n’est pas équitable.

La Deuxième barrière, c’est la règlementation en matière de nouvelle technologie. Il faut faciliter l’utilisation des nouvelles technologies, beaucoup plus pratique, pour permettre aux gens qui ont déjà accès à l’internet de le rendre moins cher. Par exemple avoir une internet est une chose, avoir les moyens de se le payer c’est autre chose, ça reste extrêmement cher en Afrique. Donc si on régule de telle sorte qu’on ne raisonne pas seulement en terme taxe de prix, ça va être encourageant pour les nouvelles technologies. Les jeunes entrepreneurs qui touchent les nouvelles technologies de l’information et de la communication, de pouvoir utiliser cet outil formidable. Mais quand les startupeurs en Afrique, parce qu’ils démarrent des startups, ils ont des barrières auxquelles ils font face, par exemple quand on vous demande de payer des taxes, des impôts alors que vous démarrer, c’est très difficile quand vous n’avaez pas accès à l’énergie. Quand vous n’avez pas accès à l’internet, c’est difficile et quand l’internet dont vous avez accès est excessivement cher, c’est difficile de démarrer une startup. Une nouvelle entreprise du numérique en Afrique dans ces conditions-là, c’est difficile.

En plus il y a les barrières financières parce qu’il faut trouver les finances. Les banques ne nous font pas confiance. Elles ne savent pas si votre projet est banquable, viable ou pas. Donc vous faites face à l’apport financier, à la taxation, à l’accès internet et à la cherté de l’internet. Donc les startups qui s’en sortent en général ce sont des startups qui ont pu bénéficier des gens qui viennent qui disent qu’on vient vous financer pour démarrer votre projet, des gens qui croient à votre projet. Malheureusement, ce sont souvent, des gens extérieurs au continent, des philanthropes américains, européens, etc. Il y a quelques accessoires africains comme le Nigérian banquier Tonio Omelolou, qui aide souvent une centaine d’africains par an.

Donc ce sont des barrières auxquelles les jeunes africains font face et quand on sait que 61% de la population africaine comme le Sénégal, la Guinée et autres, ont moins de 30 ans. Cette jeunesse-là, elle a un outil formidable qui est la nouvelle technologie pour faire un pas qualitatif, sauter toutes les étapes là, entrer dans le monde du numérique, directement pour voir commercer, discuter avec des gens qui sont à l’autre bout du monde par les transactions offertes par les nouvelles technologies.

Dans votre exposé vous avez parlé un peu des satellites en Afrique. Est-ce que vous pouvez revenir là-dessus ?

Je disais qu’aujourd’hui il y a deux façons d’avoir l’internet dans nos pays. Il y a les opérateurs de téléphonies qui vous permettent de vous connecter à internet, il y a également les opérateurs satellitaires.

Les satellites ça couvre les zones où les opérateurs ne veulent pas aller, les zones où ils ne veulent pas déployer la fibre optique parce qu’il n’y a pas assez de monde, ça coute cher, les satellites permet d’aller dans ces zones-là. Donc, il faut que nos dirigeants voient à quel moment employer les téléphonies ou bien les satellites. Ce sont deux technologies qui peuvent coexister. Dans les grandes villes, on n’a pas besoin de déployer les satellites, on peut utiliser la téléphonie c’est-à-dire en terme technique les IMT (International mobile technologie). Dans les zones les plus reculés on peut utiliser les satellites. Aujourd’hui, il y a des satellites beaucoup plus accessibles, beaucoup plus petites qui peuvent être installées pour offrir le Wi-Fi, pour connecter les villages reculés.

Je travaille avec une société (VASAT) qui a connectée près de 2 millions de personnes au Mexique avec des petits appareils qui permettent de connecter des villages entiers. Donc ce sont des possibilités qui sont là. Donc, il faut que nos pays les saisissent en se disant qu’il faut utiliser les technologies existantes dans les grandes villes on a les opérateurs, la téléphonie normale. Dans les zones les plus reculés, on peut trouver les solutions satellitaires.

Vous avez annoncé le lancement d’un satellite au Rwanda dans les prochains jours. Est-ce que vous avez une idée du nombre des pays africains détenteurs de satellites ?

Je disais que le Rwanda va lancer son satellite normalement au mois de Juin là. C’est une prouesse extraordinaire parce que le Rwanda est un petit pays de 8 millions d’hbts avec 30 000 km², c’est la taille de certaines régions dans certains pays africains. Malgré tout, ils ont réussi cette prouesse technique parce que le gouvernement a pris une volonté ferme du progrès technologique et aujourd’hui ils vont être l’un des rares pays qui ont des satellites derrière le Nigeria, l’Angola, l’Algérie etc. Ils sont très peu, on parle de 4 à 5 pays sur 53 en Afrique. Et un petit pays comme ça réussir cette prouesse-là, c’est extraordinaire. La volonté politique, le management et vraiment la foi, la confiance à la nouvelle technologie est la clé. Quand on veut on peut. Aujourd’hui, vous prenez les pays du nord comme les Etats unis, le Japon, la Corée du Sud, ce sont des pays qui ont investi sur les nouvelles technologies et qui boostent leurs économies. L’économie américaine est essentiellement booster par les ‘’Google, Apple, Facebook, Amazone et Microsoft’’. Ces 5 sociétés là, créent plus de richesse que toute l’industrie traditionnelle réunie, l’industrie automobile ou autres. Une seule de ces entités-là, produit plus de richesse que l’industrie traditionnelle. Maintenant, ces entités ne créent pas plus de travail, plus de job. Que ce soit Microsoft ou autres, ils ne font pas plus de travail que General Motors ou Crysler qui fabriquent des voitures, mais ils créent plus de richesse.

Donc, si l’Afrique prend le train des nouvelles technologies, elle peut également crée de la richesse pour booster son PIB, la richesse nationale. Il faut qu’on y croie. Parce qu’on peut créer des emplois avec tous les jeunes qui ont fait les études, de pouvoir créer leurs entreprises, ne plus déprendre de l’Etat forcement parce que malheureusement dans notre pays, beaucoup de jeunes rêves d’avoir leurs bureaux, d’être des fonctionnaires ou d’être employés dans une société de privée, avoir leurs bureaux. Or, maintenant on peut bosser à partir de sa maison. Si on arrive à lancer sa société grâce à la nouvelle technologie, on peut bosser depuis sa maison, se faire beaucoup d’argent. Il y a des exemples qui existent en Afrique.

Donc là où je voulais beaucoup insister, ce que l’Afrique est une formidable opportunité pour les nouvelles technologies c’est un territoire large, vaste avec une jeunesse dynamique et très débrouillarde qui à la créative parce qu’aujourd’hui le contenu local que ce soit YouTube ou autres. Si vous allez au Sénégal les jeunes artistes créés beaucoup sur YouTube que ce soit des séries télévisées ou de la musique et ils se font de l’argent avec sa sur YouTube. Donc c’est possible au lieu qu’on soit inondé des séries qui viennent du Mexique, du Brésil même de la Chine qui inonde nos télés. Au Sénégal aujourd’hui on a une production locale, les séries, elles sont 100% sénégalaises et ce sont des maisons de productions qui fonctionnent sur la base du numérique qui fabrique ces séries-là. Ça fait fureur au Sénégal. Les Sénégalais adore ça, ils ont délaissé ces séries-là qui étaient importés qui nous étaient offerts par le Mexique ou le Brésil, aujourd’hui on n’a plus besoin d’eux. On a des productions sénégalaises qui dépassent en qualité de production ces séries qui venaient de ces pays-là. Tout cela grâce aux numériques des jeunes extrêmement talentueux qui font des effets graphiques, qui font vraiment tout, utilisent toute la magie du net et des nouvelles technologies pour faire de la qualité. C’est en cela qu’on peut tirer également un bénéfice énorme de ces nouvelles technologies.

L’avancée des nouvelles technologies n’est-ce pas une menace pour les emplois ?

Si vous parlez de ce qu’on appelle l’intelligence artificielle ou la Robotique, vous parlez de la quatrième révolution industrielle. La troisième, c’est l’arrivée de l’internet et la quatrième c’est l’arrivée de l’intelligence artificielle.

Beaucoup disent que oui ça peut créer des situations de chômage massif par exemple la Robotique à remplacer dans la scène de montage des véhicules, les ouvriers. Ce que 100 ouvriers peuvent faire un robot peut le faire. L’intelligence artificielle qui ne se contente pas. Il y a une différence entre l’intelligence artificielle et la Robotique. La robotique vous programmé la machine de sorte que s’il y a x, la machine fait y, ou si y a A la machine fait B. Donc c’est quelques choses de répétitif. Il n’y a pas de réflexion derrière, la machine est programmée pour faire telle action. Si A se passe, la machine va faire B. L’intelligence artificielle, c’est autre chose, la machine réfléchis comme un être humain. A telle situation quelle est la meilleure réponse à apporter comme un humain, telle situation quelles sont les options qui ne sont pas à moi pour apporter la réponse la plus adéquate. Donc les gens disent avec cette nouvelle technologie, est ce qu’on ne va pas perdre l’humain dans ce qu’il y a d’essentiel. Par exemple les véhicules sans chauffeurs, Google en à développer, le test etc. Il y a tout cela qui arrive. La reconnaissance faciale dans les aéroports, tout ça c’est de l’intelligence artificielle. Quand vous utiliser YouTube c’est de l’intelligence artificielle, votre appareil de téléphone, c’est l’intelligence artificielle. Donc certains évoquent ce risque de perte d’emplois.

Pour moi c’est une question qui se pose dans le nord, aux Etats unis, en Europe et dans les pays développer en Asie. Mais en Afrique je pense qu’on n’en est pas arrivé là. La priorité des emplois aux jeunes parce qu’on ne peut pas parler de Robotique ou d’intelligence artificielle, quand il n’y a pas de robotique chez nous, très peu ce sont les humains qu’il faut prendre en compte trouver du boulot, des emplois à la jeunesse africaine pour qu’elle puisse inventer, créer comme la jeunesse asiatique, américaine ou européenne, moi c’est ça la priorité. Le débat sur l’intelligence artificielle ou la robotique pour moi n’est pas pertinent en Afrique. Permettons le cadre de développement, de réflexion d’inventivité des africains avant de se poser ces questions-là. Une fois qu’on aura trouvé assez de boulot aux africains permettant de libérer les mentalités, l’énergie des jeunes, on pourra se poser ces questions-là. Mais permettons à ces jeunes-là de trouver déjà du travail grâce aux nouvelles technologies de façon consciente. Puis qu’aujourd’hui la technologie tu en fais ce que tu veux. C’est un outil simplement. L’internet c’est un outil. C’est l’usage qu’on en fait qui pose problème.

C’est pourquoi quand les gens demandent à censurer l’internet, en disant que ce sont des outils dangereux WhatsApp, Facebook,… je ne suis pas d’accord, il faut réguler tout simplement. Aujourd’hui les véhicules sont des outils que certains utilisent pour commettre des actes terroristes, est ce qu’au tant il faut interdire les véhicules, non. Donc ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain. En Afrique nous avons nos réalités assurons nous que le contenu, le ‘’local contente’’, soit présent africain qui réponde à nos sociétés africaines, mais pas copier inutilement ce qui se passe dans d’autres sphères géographiques. L’usage que nous faisons des nouvelles technologies et notamment aux réseaux sociaux n’est pas forcément le même qu’ils en font par exemple à Washington.

Quel message avez-vous à l’endroit des autorités africaines ?

C’est vraiment avoir la volonté politique. C’est essentiel. Les pays qui ont envie d’avancer il y arrive. Si vous prenez par exemple dans le domaine de la fintech, tout ce qui est le mobile banking, la finance technologique, vous avez les 70% des levés des fonds aujourd’hui se consacre dans trois pays en Afrique ; le Nigeria, le Kenya et l’Afrique du Sud, les pays Anglophones. Les pays francophones sont loin derrière. Essentiellement vous avez le Maroc, le Sénégal, la Tunisie qui arrive derrière les trois géants là. Pourquoi ces trois pays-là ? Parce qu’ils font beaucoup d’efforts en direction de la jeunesse, en matière d’encouragement, d’entreprenariat. Au Sénégal vous avez par exemple ce qu’on appelle la délégation à l’entreprenariat rapide qui est sensé de finance des projets de jeune, de façon assez rapide. On encourage vraiment la production, les startups sénégalaises. C’est pareil avec le Maroc avec ce forum qu’il organise cette conférence tous les ans maintenant avec l’assistance des Indiens. Ce sont des façons d’encourager, de créer une émission, des acteurs du secteur tout simplement. Il faut que les autres pays s’y mette également qu’il y ait une sorte de concurrence entre les différents pays pour se dire ça c’est une formidable opportunité d’utiliser les technologies pour nous en sortir avec ces nouvelles technologies, on peut booster son PIB jusqu’à 10% potentiellement.

On n’a malheureusement pas encore compris suffisamment se comparer à d’autres pays. Si vous prenez un pays comme le Sénégal, malgré tout ce que je vous ai dit de positif, le ministère des Télécoms sur les 32 départements, est dernier dans l’ordre protocolaire. Alors que sous François Hollande, Mme Ségolène Royale en France, dirigeait le ministère de l’Environnement et de l’Economie numérique qui était premier dans l’ordre protocolaire. Donc l’ordre de priorité est important. Que nos dirigeants comprennent que les nouvelles technologies, le numérique, ce sont des outils formidables pour combler le gap qui nous sépare des pays développés.

Entretien réalisé par Sadjo Diallo